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Emmanuel André s'exprime sur Maggie De Block: "L'épidémie n'était pas son truc"

"On n'avait pas de leadership (ndlr: position de leader, capable d'être écouté et suivi) de la ministre de la Santé (ndlr: Maggie De Block)" en début de crise du coronavirus, a déploré vendredi le professeur de la KU Leuven et micobiologiste Emmanuel André. Le premier porte-parole interfédéral Covid-19 était auditionné par la Commission spéciale chargée d'examiner la gestion de l'épidémie de COVID-19 par la Belgique. Selon lui, "l'épidémie n'était pas son truc".

Emmanuel André a longuement répondu aux questions des députés vendredi après-midi à la Chambre. Il a notamment déploré le manque de leadership et critiqué la structure institutionnelle de la Belgique. "On n'a pas vu un vrai leadership se créer" durant la première vague de l'épidémie de Covid-19, a-t-il déploré. "Ce qui est dommage. On aurait pu penser que la ministre fédérale de la Santé allait jouer ce rôle. Mais on a constaté que l'épidémie n'était pas son truc. Elle était plus dans une communication de justification qu'une communication de leadership. On a dès lors vu de nombreux experts prendre la parole alors qu'il était possible d'avoir une figure de leadership".

Emmanuel André a plaidé pour davantage de coopération entre les différentes instances et les différentes disciplines: "le système n'était pas prêt pour gérer des flux rapides de patients. Il était performant pour faire de la surveillance de façon passive. Mais on ne doit pas mettre les mêmes outils en oeuvre pour gérer une épidémie".

Si on limite un système aux Régions, on va vers de nouveau problèmes

Selon lui, "ce qui est important, c'est d'avoir un système le plus large et le plus hétérogène possible car c'est ce qui fait sa force. Si on limite un système aux Régions, on va vers de nouveau problèmes. Si on se tournait vers le niveau européen, on serait davantage capables d'amortir des chocs".

L'erreur du système belge

 Sur le terrain, les digues institutionnelles ont toutefois sauté, a observé Emmanuel André. "Toutes les barrières qui avaient été instaurées de volonté politique ont été levées une par une", a-t-il affirmé. "Par exemple, lorsqu'il y a eu la flambée à Anvers, énormément d'échantillons ont été analysés à Liège. Lorsqu'on a connu une forte augmentation du nombre de patients en Wallonie et à Bruxelles, certains d'entre eux ont été hospitalisés dans des hôpitaux néerlandophones".

Emmanuel André a vertement critiqué la division systémique entre le préventif (aux Régions) et le curatif (au fédéral): "séparer les deux et les avoir mis en opposition, c'est une erreur extrêmement importante", a-t-il dit. "Notre système est trop axé sur l'efficience du curatif. Et pas assez dans une logique de prévention des maladies", a-t-il pointé, dénonçant au passage le manque de médecins. "Si on veut pouvoir faire face à des crises, il faut revoir leur nombre", et donc le système du numerus clausus, a-t-il défendu.

On a perdu cette capacité de fabriquer des tests nous-mêmes

Pour le microbiologiste, il est aussi indispensable de ne pas attendre pour prendre des mesures fortes et décider d'un éventuel confinement. "A chaque fois qu'on prend des demi-mesures, on le paie deux fois" tant sur l'aspect sanitaire qu'économique, a-t-il lancé. Selon lui, vouloir limiter la propagation du virus en séparant les groupes (clusters) de façon hermétique est "un leurre".

Il apparaît toutefois que, dans le cas du Covid-19, les écoles ne sont pas un lieu de transmission spécifique du virus : "l'école n'est pas un amplificateur au sein de la communauté, elle est le reflet (de la situation en son sein)".

Sur les tests, le professeur André a pointé le fait que "les laboratoires (de biologie clinique) ont perdu historiquement leur capacité à en élaborer". "On a perdu cette capacité de fabriquer des tests nous-mêmes. Et il n'y avait aucun test PCR sur le marché", a-t-il expliqué, parlant de sous-dépistage au début de l'épidémie. "C'est dans ce contexte que la plateforme nationale a été créée à la demande du ministre Philippe De Backer". "Et donc, oui, il y a eu des prises de risques dans les commandes. Enormément de décisions ont dû être prises dans l'urgence. Et il y a inévitablement beaucoup plus d'erreurs. Il faut pouvoir comprendre le contexte dans lequel ces personnes ont travaillé", a-t-il souligné.

Durant la deuxième vague, "la réduction des critères a été un très mauvais signal. On s'est laissé dépasser. La qualité du travail a diminué. Heureusement il y a eu machine arrière à ce sujet", encore dit le microbiologiste.

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