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Halte au "floutage de gueule": mobilisations contre la loi "sécurité globale"

Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées samedi en France à l'appel notamment des organisations de journalistes contre la proposition de loi "sécurité globale", adoptée la veille par l'Assemblée nationale et jugée attentatoire à "la liberté d'expression" et à "l'Etat de droit".

La vingtaine de manifestations organisées en France ont réuni quelque 22.000 personnes, dont 7.000 à Paris, 2.000 à Marseille et 1.300 à Montpellier, a appris l'AFP auprès de la préfecture de police de Paris (PP) et de source policière.

Dans la capitale, les milliers de manifestants se sont réunis dans le calme place du Trocadéro dans l'après-midi pour dire leurs craintes face à cette proposition de loi qui encadre notamment la diffusion d'images des forces de l'ordre.

"On nous dit qu'il faut limiter nos libertés pour le bien de tous mais là ça va trop loin", a déclaré Manuel Furtado, manifestant "outré". "On bascule dans quelque chose qui n'est pas totalement la démocratie", s'inquiète Martine Wattoux, gilet jaune sur le dos.

Sur la place noire de monde, pas mal de +gilets jaunes+ entre les drapeaux du PCF, d'EELV, de FO, du NPA, une banderole d'"Extinction rébellion" ou une autre de Mediapart: "La démocratie meurt dans l'obscurité".

Parmi les slogans repris en boucle: "Tout le monde veut filmer la police ", "la rue elle est à nous". La foule scande à plusieurs reprises à l'unisson "liberté, liberté, liberté..."

Aux alentours de 17H, après l'ordre de dispersion diffusé par les forces de l'ordre, la tension est peu à peu montée sur la place parisienne. Des poubelles ont été incendiées et une petite dizaine de manifestants ont jeté des projectiles sur les forces de l'ordre qui ont répliqué en faisant usage de canons à eau et en chargeant, a constaté un journaliste de l'AFP.

Vers 19H30, la place avait été quasiment entièrement évacuée par les forces de l’ordre. 23 personnes ont été interpellées, selon la PP.

- "Même pas drone" -

Vendredi soir, l'Assemblée nationale avait adopté, après l'avoir amendée, la mesure la plus controversée de la proposition de loi "sécurité globale": l'article 24 pénalisant la diffusion malveillante d'images des forces de l'ordre, tout en l'assortissant de garanties sur le "droit d'informer".

Cet article, mais aussi la possible utilisation de drones lors des manifestations et la crainte de la reconnaissance faciale par les caméras de surveillance, ont suscité une intense émotion dans les médias, qui y voient un risque d'entrave à la liberté d'informer.

A Lille, quelque 800 personnes ont protesté plus tôt derrière des pancartes "Même pas drone", "Orwell was right", "floutage de gueule". Un autre millier à Rennes. Parmi les slogans : "baissez vos armes, nous baisserons nos téléphones".

"C'est une loi faite par la police" qui "menace la liberté d'informer, de s'exprimer, de manifester", a estimé Maud, étudiante de 27 ans dans le rassemblement lillois.

Une conférence de presse a été organisée dans la matinée au siège de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) à Paris, en présence notamment de représentants des syndicats de journalistes.

"Nous sommes inquiets de la lente déliquescence de l'Etat de droit, qui semble mener à un Etat de police", a déclaré Arié Alimi, avocat et membre du bureau national de la LDH.

Dans le Figaro, Sylvain Maillard, député LREM de Paris, a tenté de désamorcer la colère: le texte "n'est pas bien compris. Evidemment qu'on pourra continuer à filmer n'importe qui et bien sûr les forces de l'ordre."

Jean-François Cullafroz, de la CFDT, s'est félicité de la mobilisation des directeurs des rédactions des principaux médias, appelant les "patrons de presse à prendre position" lors d'une rencontre prévue mardi au ministère de l'Intérieur.

Les syndicats de journalistes jugent qu'il n'y a pas besoin d'une nouvelle loi "pour faire peur", alors que le code pénal et la loi sur la liberté de la presse de 1881 punissent déjà l'incitation à la haine.

L'article litigieux pénalise d'un an de prison et 45.000 euros d'amende la diffusion de "l'image du visage ou tout autre élément d'identification" des forces de l'ordre en intervention quand elle porte manifestement "atteinte" à leur "intégrité physique ou psychique". Un amendement gouvernemental a spécifié que cette mesure ne peut porter "préjudice au droit d'informer".

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