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Le ras-le-bol du chef cuisinier "résistant" Antonin Bonnet

"La ressource humaine n'est pas un puits sans fond". Le chef étoilé Antonin Bonnet, "meilleur résistant" à la crise du Covid pour le guide Fooding, dit son ras-le-bol face à l'incertitude et aux annonces se succédant sur la fermeture des restaurants.

Chef du Quinsou, une étoile Michelin, dans le quartier parisien de Saint-Germain-des-Prés, il s'estime "privilégié" grâce à la boucherie qu'il a achetée en 2019 restée ouverte pendant les deux confinements, à deux pas du restaurant, fermé.

C'est la terrasse éphémère installée en été devant la boucherie et devenue "l'un des meilleurs bistrots de Paris", selon le directeur éditorial du Fooding Alexandre Cammas, qui a valu à Antonin Bonnet le titre du "meilleur chef résistant" de l'année, nouveau dans le palmarès.

"Il faisait très chaud, on a décidé d'ouvrir la terrasse. On a fait des hot-dog avec des saucisses aux herbes et au kimchi maison, un oeuf mayo avec un anchois dessus et une épice coréenne, mais aussi des betteraves des jardins limitrophes à Paris", raconte à l'AFP le chef, marié à une Sud-Coréenne et qui aime les chemins gustatifs "qui se croisent", le goût exotique et de la lacto-fermentation dans les préparations traditionnelles françaises.

- Gastronomie "honnête" -

Alors qu'un nombre croissant de Français se détournent de la viande, il acquiert la boucherie pour y transmettre ses valeurs de gastronomie "honnête": il achète en petite quantité, chaque produit est tracé, y compris le sel et les épices pour les saucisses avec zéro additif.

"Je commande un quart de boeuf et j'aurai peut-être un filet. Et je fais comprendre aux clients que ce filet est exclusif et a un prix", raconte-t-il soucieux de "réapprendre à consommer les morceaux que les clients ont oubliés".

Les volailles ont entre 120 et 150 jours, contre un poulet industriel vieux de 60 jours au mieux, pour "la qualité du fibre et du goût".

Avec son marquage au sol, la boucherie accueille un client maximum, se prépare à lancer une boutique en ligne et un "kit dinde" pour les fêtes de fin d'année.

Dans la cuisine minuscule du Quinsou, les lumières sont en revanche éteintes depuis le reconfinement. Contrairement à de nombreux confrères, Antonin Bonnet refuse de faire de la vente à emporter.

- A bout de souffle -

"Ce n'est pas rentable, c'est beaucoup de travail pour un résultat qui n'est pas représentatif pour ce que je fais: envoyer des petits plats dans des petites boîtes, beaucoup d'emballages pour un repas qu'il faudrait réchauffer à la maison", explique-t-il.

Pas la peine non plus de réfléchir à la réouverture du restaurant en l'état.

"C'est une perte d'énergie. On va faire un plan et puis un mec demain va prendre un micro et va dire +tout ce que vous avez pensé, ce n'est pas possible, tout ce que vous avez imaginé, on va mettre à la poubelle+".

Un résumé de la lassitude généralisée dans le secteur qui a fait preuve d'ingéniosité et s'est vite adapté avec des offres inédites pendant le premier confinement.

"On en a ras-le-bol parce qu'on est aujourd'hui en France dans un système à plusieurs vitesses. Ce reconfinement est une blague. Chacun fait ce qu'il veut et personne ne suit les règles, les messages ne sont pas clairs"

"On a fait beaucoup de choses, aujourd'hui je refuse de faire plus. Cela fait six mois qu'on le fait, d'autres n'ont rien fait. C'est nous qui payons les pots cassés, tous ces prêts du gouvernement ne sont pas gratuits, ce sont des reports des paiements".

Il se compare à un coureur qui vient de se changer après avoir couru plusieurs kilomètres et auquel on demande de reprendre juste après.

"A un moment, il y a une limite au +stop and go+ intellectuel et psychologique. Les règles changent, on ne sait pas jusqu'à quand, comment, ni pourquoi".

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