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Coronavirus: QUI va payer l'addition salée de la crise sanitaire que nous traversons ?

Un journaliste économique vient de publier une analyse brillante des conséquences économiques de la crise actuelle exceptionnelle qui nous touche.

Qui va payer l’addition de la crise exceptionnelle que nous traversons ? L’une des analyses les plus brillantes sur le sujet est signée François Lenglet. Le journaliste économique de RTL et de TF1 était l'invité d'Alix Battard ce vendredi dans le RTL INFO avec VOUS.

Vous publiez "Quoi qu’il en coûte !" chez Albin Michel. C'est l'expression utilisée par le président français dans son discours au début du premier confinement. Comme tous les chefs d’état, il a toute suite annoncé que la crise et le confinement allait coûter très très cher. Dans ce livre, vous comparez souvent épidémie et guerre. Et vous laissez entendre, c’est quand même assez fort, qu’économiquement une guerre ça aurait été mieux qu’une pandémie.

"C’est paradoxal mais, si vous voulez, l’épidémie finalement elle ne détruit pas de capitales, de bâtiments. Tant mieux d’un certain côté pour nous tous. Mais, pour la croissance économique, après une destruction occasionnée par la guerre, cela repart très fort. L’investissement repart très fort et du coup c’est aussi l’emploi. Alors que là, le virus, quand il va disparaître, j’espère que c’est une question de semaines ou des mois grâce au vaccin, il nous laissera tels quels. Avec tout ce que nous avons à faire sur la transition écologique. Il reste du carburant potentiel, mais c’est moins immédiat."

L’économie est moribonde. Et surtout, c’est l’un des sujets centraux de ce livre, la dette n’a jamais été aussi haute. Les gouvernements n’ont jamais autant emprunté et dépensé en si peu de temps. Vous citez quelques chiffres. Dans la zone euro, le montant total des dépenses budgétaires Covid est évalué à 1.500 milliards d’euros. On a le sentiment que les pays font comme si cette dette n’avait aucune importance. Est-ce qu’on va vraiment la payer?

"En fait, c’est une dette d’une autre nature que d’habitude. On n’emprunte plus à des gens qui ont de l’argent, comme c’était le cas auparavant. On empruntait aux investisseurs sur les marchés financiers. C’était compliqué pare qu’il fallait les convaincre, jouer de la guitare tous les jours en expliquant qu’on était sérieux pour qu’ils nous prêtent à taux relativement bas. Aujourd’hui, tout cela vient de la création d’argent."

On a imprimé des billets?

"Oui. Vous savez en fait la banque centrale européenne (BCE), c’est le seul individu dans la zone euro qui est autorisé à faire ça. Sur son ordinateur, elle peut modifier son compte bancaire et rajouter des 0, autant qu’elle le veut. A partir de là, elle fait des virements, elle investit, elle diffuse, elle irrigue la zone euro de milliers de milliards d’euros."

On ne peut pas supprimer cette dette?

"C’est difficile. Certains le proposent mais cela me semble une voie sans issue parce que malgré tout vous mettez en cause la confiance que l’on a dans la banque centrale et dans la monnaie. Aujourd’hui, si je sors un billet de 20 euros, je vous le donne, vous n’aurez aucun doute. Vous savez que si vous le donnez dans 5-10 minutes à n’importe qui, il aura la même confiance. Tous les gens qui vivent aujourd’hui ont toujours connu ça. Mais c’est une parenthèse dans l’histoire. On a connu des moments où justement cette confiance fondamentale qui est indispensable pour le bon fonctionnement de l’économie avait disparu. On n’a pas un peu de confiance, vous avez toute la confiance ou vous n’en avez plus. Comme une lumière électrique, cela s’allume et cela s’éteint."

Mais François Lenglet il y a une question à laquelle vous ne répondez pas tout à fait dans le livre. C’est qu’est-ce qu’il aurait fallu faire à la place ? Comment traverser cette crise inédite sans dépenser de l’argent ?

"Je pense que l’on n’aurait pas pu. Vous avez tout à fait raison. Il fallait protéger le maximum de gens des dégâts économiques. Mais après cela va se jouer sur deux points particuliers: qu’est-ce qu’on fait de cette dette et comment est-ce que l’on retrouve une trajectoire de finances publiques normale ? Cela va être très difficile parce que, pendant des dizaines d’années, tout le monde a entendu qu’il n’y a pas d’argent magique et on était à chasser les économies potentielles à hauteur de 10 millions, de 50 millions dans un budget. Tout d’un coup, des centaines de milliers sont disponibles, y compris pour les politiques eux-mêmes. Cela va être très tentant de faire passer là-dedans beaucoup d’autres choses et je crains que cela nous emmène dans une spirale problématique.'

Et donc à la question "Comment allons-nous rembourser la dette ?", je vous avoue qu’on était déjà légèrement déprimés avec tout ce qui nous arrive, mais là vous dites clairement que l’issue ne peut être que la ruine. Il faut s’attendre un crash financier ?

"J’en ai peur parce que si vous voulez là encore dans l’histoire économique, si on élargit la focale, elle est jonchée d’épisodes de ce type où les gouvernements voulaient dépenser plus qu’ils ne le pouvaient."

Donc, cela va être pire qu’aujourd’hui ?

"Je ne vois pas comment on peut en sortir sans ce coup financier. Ce n’est pas la fin du monde. On en a eu en 2009, on en est sortis, avec plus de dettes quand même. Cette fois-ci il faudra trouver autre chose. Et je pense que derrière ça, parce que ce sont des choses qui se produisent relativement régulièrement, nous attend une période de stabilité macro-économique et peut-être de longue croissance comme nous l’avons connue il y a quelques décennies. Le constat n’est pas complètement noir. Il va probablement falloir passer par un moment difficile mais derrière ça il est tout à fait possible que les choses se rouvrent pour la génération qui vient."

D’ailleurs, pour vous, les grands perdants de cette crise seront les épargnants, donc plutôt les seniors. Pourtant, quand on parle de la dette, on dit toujours que ce sont les générations futures et les jeunes qui vont payer.

"Dans un système normal où on rembourse de façon régulière comme c’est prévu par le contrat initial ce sont bien sûr les générations futures qui paient. Mais dans la situation actuelle, compte tenu de l’imminence de cette secousse financière, je pense que ce sont plutôt les détenteurs de capital actuels qui vont payer et que mécaniquement de façon symétrique les générations qui viennent seront libérées de ce fardeau."

Dans ce livre, vous racontez aussi comment cette épidémie aura bousculé l’organisation de nos sociétés. Transformation du logement, fini les grandes tours de bureaux puisqu’on télétravaille dorénavant. Pour les habitations privées aussi, la demande hors des villes a explosé.

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