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"J'ai besoin de tout": les étudiants toujours plus nombreux aux distributions alimentaires

La file d'attente s'étend sur plusieurs dizaines de mètres: à Strasbourg, les distributions de denrées alimentaires aux étudiants rencontrent une demande croissante, symptôme visible d'une précarité matérielle et morale qui "explose" avec le confinement.

Sous les paniers de basket du gymnase Louvois, a proximité immédiate du campus universitaire, les bénévoles du Secours populaire ont installé de grandes tables pliantes. Les premières proposent des conserves, du riz ou du lait; puis viennent les produits d'hygiènes, le papier toilette et le dentifrice, avant les produits frais, légumes, oeufs, et même des steaks hachés.

Dans les allées tracées avec du ruban de chantier, les bénéficiaires, venus avec des sacs et cabas vides, attendent patiemment de pouvoir accéder à la distribution. Seules obligations, présenter leur carte d'étudiant et s'acquitter d'une "participation solidaire" de deux euros.

En master 2 à la faculté de Physique et Ingénierie, Lisa, 22 ans, préfère ne pas donner son nom de famille. Elle qui avait toujours travaillé dans la restauration ou l’hôtellerie pour financer ses études vient pour la deuxième fois en deux semaines récupérer quelques provisions.

-Majorité de non-boursiers-

"J'ai perdu mon emploi, et c'est vraiment ce qui a joué. Heureusement qu'il y a ces aides, sinon je ne mangerais pas tous les jours à ma faim. J'ai un peu d'aide de mes parents, mais eux aussi ont un budget serré, je ne peux pas leur demander d'argent en plus", explique la jeune femme, toute de noir vêtue.

"Là je vais manger les produits frais en premier, et garder ceux qui se conservent bien pour plus tard: aux vacances de Noël, il risque de ne plus y avoir de distribution", s'inquiète-t-elle.

Comme Lisa, "la grande majorité des étudiants qui viennent ici ne sont pas boursiers", souligne Camille Vega, secrétaire général du Secours populaire dans le Bas-Rhin. "On s'attendait à ce qu'il y ait du monde, mais on est toujours surpris de voir qu'on est face à des jeunes qui galèrent pour se nourrir, se loger, se vêtir: c'est vraiment les besoins basiques".

Les Crous, regrette-t-il, continuent d'exiger les loyers des étudiants accueillis dans les résidences universitaires.

Au Secours populaire, le nombre de personnes accompagnées localement a bondi de 40% dans le contexte de l'épidémie. Les deux distributions organisées les semaines précédentes, grâce à d'"importantes" subventions publiques, ont permis d'aider 238 étudiants. "Mais on est dans la gestion de l'urgence. Pour le reste, nous n'avons pas de visibilité", pointe Camille Vega.

-"Allocation étudiante universelle"-

A l'autre bout de la salle, Boubacar Coulibali finit de remplir son colis : en plus des denrées alimentaires, il a reçu une écharpe et une paire de gants. "Je suis très sensible au froid", confie cet étudiant malien, arrivé en octobre pour suivre une licence d'administration économique et sociale.

"Une aide comme ça, ça soulage énormément mon budget", souligne le jeune homme de 20 ans confronté à quelques problèmes d'argent après avoir rencontré des difficultés pour se loger à un prix abordable. Il a bien démarché des entreprises pour trouver un job, mais n'a "pas eu de retour".

Davantage encore que l'aspect matériel, c'est l'isolement social qui lui pèse le plus, avec la fin des cours en présentiel et le confinement. "Ca m'a énormément affecté. Je suis arrivé, je ne connaissais personne, et je n'ai pas eu l'occasion de faire connaissance avec les gens".

"Il y a une vraie détresse psychique", s'alarme Caroline Zorn, vice-présidente de l'Eurométropole de Strasbourg, en charge de la vie étudiante. "On a essayé de renforcer les effectifs du Centre d'accueil médico-psychologique universitaire pour avoir une psychologue supplémentaire, mais ce n'est pas du luxe".

Pour éviter de voir les distributions alimentaires se multiplier, elle milite en faveur de l'instauration d'une "allocation étudiante universelle".

"Il y a 20 ans, 10% des étudiants travaillaient pour financer leurs études. Avant l'épidémie, on était à 50%, et ils se retrouvent sans revenus. On ne peut plus se contenter de leur distribuer des paquets de pâtes", observe-t-elle.

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