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Haine sur les réseaux sociaux: des victimes dénoncent "l'impunité"

Menaces de mort, photomontages dégradants, messages "ignobles" mais l'impunité le plus souvent: des victimes de cyberharcèlement racontent à l'AFP leur confrontation à la haine en ligne et leurs difficultés à voir leurs plaintes aboutir.

- "Un sentiment d'impunité" -

Aurélia Gilbert, 48 ans, survivante des attentats du Bataclan, a été cyberharcelée cet été pour avoir soutenu le rapatriement des enfants français de jihadistes sur Twitter.

"Certains commentaires sous un tweet disaient +dommage qu'on l'ait loupée+. Dans la nuit, mon compte Twitter a été piraté, quelqu'un a supprimé mon tweet et publié mon numéro de téléphone en me traitant de +traître à la nation+. Ce n'était pas la première fois mais la limite a été franchie. Ce genre d'appel peut être suivi par des gens pas toujours stables.

J'ai déposé plainte début septembre mais j'ai été informée il y a quelques jours que ma plainte a été classée sans suite car les enquêteurs n'ont pas pu retrouver les personnes qui m'avaient menacée. Ils m'ont dit que Twitter n'avait pas transmis les éléments. Il y a un sentiment d'impunité pour la plateforme, c'est assez désagréable dans un état de droit.

Twitter doit choisir entre ses utilisateurs harcelés et les harceleurs. Pour moi ils ont pris position en soutenant les harceleurs."

-"Des messages ignobles"-

Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière, est régulièrement victime de cyberharcèlement depuis près de dix ans pour ses positions.

"Ça a commencé en 2011 lors d'une réforme de la récupération des points du permis de conduire. Depuis ça n'a jamais cessé. La voiture, chacun sait qu'elle mobilise les passions. Des attaques qui se tournent de manière privilégiée vers les femmes, car c'est bien connu qu'elles ne savent pas conduire.

J'ai le droit en permanence à du harcèlement sur les réseaux sociaux, à un défoulement anonyme, je suis heureuse de voir qu'enfin ces choses-là sont prises au sérieux. C'est insupportable.

Ces corbeaux des réseaux se sentent impunis. J'espère vraiment qu'enfin on obtiendra que ces réseaux fassent le ménage, que ce soit Twitter ou Facebook, qu'ils effacent d'eux mêmes les messages ignobles. J'ai moi-même déposé de nombreuses plaintes. Certaines ont été classées sans suite car les auteurs n'ont pas été retrouvés."

- "Jetés du haut d'un pont" -

Georges Salines, père d'une victime des attentats de 2015, a été la cible de messages haineux sur Twitter.

"C'était la première fois. J'ai fait l'objet de messages fort désagréables, dont des menaces de mort. L'un d'eux disait que les collabos et ceux qui ne sont pas suffisamment virulents contre les musulmans devaient être jetés du haut d'un pont. Ce sont des paroles mais évidemment ça peut tomber sur des esprits dérangés qui peuvent passer à l'acte, on ne sait pas.

J'ai déposé plainte à la rentrée puis j'ai reçu un courrier qui disait en substance que la plainte avait été classée sans suite car les enquêteurs n'ont pas été en mesure d'identifier +les auteurs en l'absence de toute réponse aux réquisitions adressées à la société Twitter+.

Je suis tout à fait en faveur de la possibilité d'avoir un anonymat sur les réseaux sociaux mais je suis opposé à ce qu'il serve à insulter, à menacer. Là il y a une impunité, il suffit de créer un compte anonyme et de s'en servir pour s'en prendre à n'importe qui, en l'occurrence nous sommes des victimes du terrorisme. C'est particulièrement indélicat."

- "Ça ne s'arrête pas" -

Maxime Haes, 27 ans, est militant LGBT. Depuis près de six ans et demi, il reçoit des messages haineux, parfois quotidiennement, en lien avec son orientation sexuelle et ses idées politiques.

"J'ai reçu des insultes homophobes, sur mon physique, des photomontages. On m'a qualifié de pédophile, on m'a signalé comme tel auprès d'associations, on s'est attaqué à ma famille. Il y a des phases qui sont d'une extrême violence.

Dès 2015, j'ai commencé à essayer de me défendre légalement. J'ai décidé de porter plainte. Il y a eu huit tentatives, dont deux en passant par un avocat. Quatre ont été refusées, parfois illégalement.

La seule fois où ma plainte a été prise comme il se doit, ça a duré cinq heures. J'ai été reçu par trois femmes, ultra-empathiques, qui ont fait leur boulot. Il y avait une méthode.

Pour moi, la modération de Twitter est un vrai problème. C'est quoi leurs règles de gestion ? Plutôt que modérer les contenus, Twitter crée du +maquillage+, on peut masquer, mais les comptes ne sont pas suspendus. Le problème du cyberharcèlement, c'est qu'il est continu. Il y a des périodes où on est harcelé quotidiennement. Ça ne s'arrête pas".

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