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L'"épuisement" des soignants au procès d'une infirmière pour violences contre des policiers

"J'étais exténuée, frustrée" : les conditions de travail des soignants en temps de pandémie se sont invitées lundi au procès d'une infirmière poursuivie pour avoir jeté des morceaux de bitume sur des forces de l'ordre lors d'une manifestation en juin.

Deux mois de sursis ont été requis par le parquet au terme d'une journée d'audience marquée par la mobilisation, à l'intérieur comme à l'extérieur du tribunal de Paris, de dizaines de soutiens de Farida C., qui devait répondre des faits d'outrage, de violences et de rébellion contre des forces de l'ordre.

Cette mère de deux enfants, qui travaille à l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne), avait été interpellée le 16 juin 2020 quelques minutes après avoir jeté des projectiles et fait des doigts d'honneur en direction des forces de l'ordre sur fond d'échauffourées à l'arrivée du cortège de soignants sur l'esplanade des Invalides à Paris.

"C'était une réaction surdimensionnée qui n'était pas réfléchie", a expliqué cette femme menue de 51 ans, cheveux bruns aux épaules et veste en cuir, à la barre. C'était trois mois après le début de l'épidémie de Covid-19, "j'étais exténuée, j'avais perdu la moitié de mes patients, ce n'est pas contre la police que j'ai jeté le bitume, c'était symbolique".

"Mes mains ne blessent pas, elles soignent depuis 20 ans, quand j'ai vu les soignants se faire gazer, j'ai eu ce geste de protectrice", a-t-elle ajouté. Si c'était à refaire? "Non, je ne le referai pas".

Mais l'Etat doit prendre conscience des "doigts d'honneur" qu'il adresse à l'hôpital depuis des années, a insisté cette infirmière en gériatrie. "Ça fait plus de 20 ans qu'on est en train de voir l'hôpital dépérir. Lorsque je ne peux pas réconforter mon patient, je suis en échec, tout ça nourrit la frustration et la colère."

- "Juger les faits, pas au-delà" -

Relayées à l'époque sur les réseaux sociaux, des vidéos de la scène ont été diffusées à l'audience. On y voit l'infirmière en blouse blanche en train de jeter des projectiles en direction des forces de l'ordre, quelques minutes avant d'être arrêtée sans ménagement.

On l'entend notamment implorer à plusieurs reprises les policiers - "donnez moi ma ventoline, je suis asthmatique" -, des images qui avaient suscité la colère de l'opposition de gauche et contraint l'exécutif à monter au créneau pour défendre l'action des forces de l'ordre. Une plainte a été déposée auprès de l'IGPN.

"Je ne voudrais pas qu'on fasse de ce procès un nouveau procès de la police, je vous demande de juger les faits tels qu'ils se sont passés mais pas au-delà", a martelé Me Michèle Launay, avocate de deux policiers dans ce dossier, lors de sa plaidoirie. "Les violences qu'auraient subi Mme C. ne sauraient en rien" effacer "les actes commis avant son interpellation".

Evoquant une fin de manifestation "d'une violence incroyable", le commissaire divisionnaire, Damien V., a dépeint à la barre "deux heures de jets de projectiles et de pétards" obligeant son unité "à plusieurs reprises à faire usage de gaz lacrymogène pour repousser les black blocs et ceux qui s'agrègent à eux".

- "Des hommes et des femmes" -

Il voit alors Farida C. "qui est en face de nous, à une distance de 10-15 mètres et qui vient prendre ces pavés, ces énormes morceaux de bitume, qu'elle jette dans notre direction, elle nous insulte en nous traitant de +putes à Macron+, +sales flics de merde+".

"Vous avez pu l'entendre distinctement même à 15m de distance?", l'interroge la présidente. "Oui, distinctement", assure-t-il. Un point contesté par la défense qui reconnaît les violences, l'outrage mais dément toute rébellion et injures proférées contre les policiers.

Pour l'avocat de l'infirmière, Me Arié Alimi, qui a plaidé pour une dispense de peine, "cette affaire n'aurait même pas dû venir devant le tribunal" et le "jet en l'air" de "quelques petits bouts de bitume" aurait dû faire l'objet d'un simple rappel à la loi.

L'infirmière a certes subi des "conditions de travail déplorables" mais "vous avez aussi en face de vous des hommes et des femmes qui font leur travail, qui n'ont pas à être les victimes de ces agissements", a souligné de son côté la présidente. "Ce sont des infractions qui sont sanctionnables" et les règles sont "applicables à tout le monde".

La décision sera rendue le 3 mai.

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