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"Tester, travailler, se reposer", la stratégie forcée des frontaliers mosellans

Le "tester, alerter, protéger" de la stratégie gouvernementale pour lutter contre le Covid-19 s'est mué en "tester, travailler, se reposer" pour les salariés frontaliers mosellans avec l'entrée en vigueur mardi des nouvelles mesures de contrôle pour franchir la frontière allemande.

Dès 06h00, ils étaient environ 200 à faire la queue pour passer un test antigénique au "Centre de dépistage franco-allemand", installé après la frontière, à l'entrée de Sarrebruck.

Dimanche, Berlin a classé le département de la Moselle en "zone à forte circulation" des variants sud-africain et brésilien du Covid-19. En conséquence, depuis minuit chaque passage de la frontière nécessite un test négatif de moins de 48H00 et une déclaration d'entrée électronique sur le territoire.

"J'ai attendu une heure et demie", s'est plaint Brigitte Lortat, 60 ans, salariée depuis 40 ans dans un hôpital où elle a rejoint au début de la pandémie le service anti-Covid.

Mardi, elle devait juste chercher un document chez son employeur. Et cette "chasse au virus dont sont victimes les Mosellans" l'agace. "Je trouve que ça donne la haine", lance-t-elle, ne comprenant pas ces "mesures à sens unique". Pour l'entrée en France, rien n'a changé.

"On ne laisse pas entrer le virus en Allemagne, mais on le laisse sortir. C'est pas l'Europe, ça!", râle Yannick Kiemza, 30 ans, ressortissant allemand résidant en France et qui patiente dans son véhicule.

- "Manque de règles européennes" -

Le Centre de dépistage franco-allemand, où un pompier mosellan veille "comme traducteur si nécessaire", est composé d'une grande tente prévue pour deux files de voitures et d'une, au centre, pour les piétons. Le tout a été monté lundi sous la responsabilité du THW (Technischees Hilfswerk), la Sécurité civile allemande.

Les prélèvements nasaux sont posés sur une table dans deux cabanes de chantier dans l'attente du verdict. Les personnes testées peuvent poursuivre leur route et recevront le résultat de leur test antigénique rapide dans la demi-heure par courriel ou SMS.

Pour l'heure, les douaniers allemands se font discrets: ils n'arrêtent pas les voitures au passage de la frontière mais effectuent des contrôles aléatoires un peu plus loin.

"Ça nous prend du temps. Il va y avoir en fin de semaine les décisions françaises. Autant de tests, de confinement ou de couvre-feu, on va finir par ne plus avoir d'énergie", redoute Christian Speed, informaticien de 39 ans.

"Il y a un manque de règles européennes. Le frontalier, normalement, vit les bonnes choses de l'Europe. Avec ces règles, l'esprit européen est perdu", observe-t-il.

"Que de stress! On va au burn-out! Maintenant pour nous, c'est tester, travailler, reposer", ironise Nicole Kass, une commerçante de 42 ans.

"Une fois par semaine, ça passerait. Trois fois, ce n'est pas normal!", déplore Caroline Zanatta, comptable de 41 ans. "Tous les trois jours ? c'est non! Je l'ai dit à mon patron", tempête Patrick Barra, serrurier-soudeur de 59 ans, décidé à s'arrêter à six mois de la retraite.

- Libre circulation -

Pour beaucoup de frontaliers, cette journée initiale manque d'organisation. Ils dénoncent "des informations arrivées tardivement" et déplorent des renseignements parfois erronés donnés même par des Allemands.

Malgré les nouvelles contraintes, la circulation est restée fluide, notamment sur l'A320 entre Merlebach (Moselle) et Sarrebruck.

Au niveau du centre de dépistage, au rond-point de la Brème d'or, la file d'attente de voitures a toutefois créé un petit bouchon en début de matinée, qui s'est vite résorbé.

Selon la préfecture de la Moselle, le Land frontalier de Sarre a mis quelque 100.000 tests à disposition des employeurs. Le centre transfrontalier restera, lui, ouvert de 06h00 à 22h00. Les tests y sont gratuits, contrairement au Parc des expositions de Sarrebruck, où ils coûtent 40 euros, selon des témoins.

"Il devrait y avoir plus de centres", peste André Wirig ouvrier de 53 ans, qui patiente depuis plus d'une heure devant la pharmacie du Lion à Forbach, la seule officine du secteur à tester. A 10h00, 50 personnes patientaient. "Je trouve ces mesures injustes, plus dures que le premier confinement", affirme-t-il.

Un avis que ne partage pas Rita Licata, 28 ans, l'une des rares à "accepter la nouvelle réglementation allemande", qui concerne quelque 16.000 salariés. "Il faut plus de responsabilités et de sécurité, réclame cette néo-travailleuse frontalière, embauchée en février.

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