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Visites interdites aux soins intensifs de l'UZ Brussel: le cri de détresse de Felix, dont la maman est hospitalisée à cause du Covid-19

Il y a une semaine, le papa de Felix-Nathan décédait des suites du coronavirus, après un long combat aux soins intensifs. La mère de Felix, elle aussi atteinte du coronavirus, est toujours hospitalisée aux soins intensifs de l'UZ Brussel. Seulement, dans cet hôpital, les visites sont interdites. Felix en est persuadé, ces moments de contact avec ses proches peuvent aider sa mère à surmonter cette épreuve. Il interpelle l'hôpital pour assouplir les règles. Contacté par RTL INFO, l'UZ Brussel réagit et explique les raisons de l'interdiction. Suite à cet appel, la situation de Felix a évolué positivement.

"La médecine a ses limites, l'être humain peut faire des miracles, et le contact humain peut aider". Felix-Nathan en est persuadé : un contact, une présence, peuvent sauver sa maman des soins intensifs. Muamba, 74 ans, est hospitalisée depuis le 1er février, après avoir contracté le coronavirus. Aujourd'hui dans le coma, cette maman et grand-mère n'a pas reçu de visite de son entourage depuis plusieurs semaines.

Via le bouton orange Alertez-nous, son fils, Felix-Nathan, lance un appel à l'hôpital dans lequel elle est soignée à Bruxelles : "Nos aînés sont fragilisés, et ils ont besoin de nous". L'homme demande à l'UZ Brussel, situé à Jette, d'autoriser les visites en soins intensifs, pour permettre aux patients d'être entourés dans ces moments très pénibles. 

Visites interdites : "Au début, j'étais en colère"

La vie de Felix-Nathan, 49 ans, carolo, bascule en très peu de temps. Dès le début du mois de février, il apprend que ses deux parents ont contracté le coronavirus et doivent être hospitalisés d'urgence ; d'abord en unité Covid, puis en soins intensifs. "Ça va faire pratiquement 1 mois et demi que je ne dors plus", nous affirme d'emblée Felix. "C'est impensable, et le mot est faible."

Indépendant, chef d'entreprise dans le secteur de l'informatique, Felix-Nathan se décrit comme une personne positive et combative. Ses parents sont de véritables exemples, pour cet habitant de Charleroi. Avant son hospitalisation, son papa soutenait sa maman dans un combat contre une autre maladie, l'accompagnant quotidiennement à l'hôpital pour des soins, refusant qu'une autre personne la conduise. "Quand je les vois sur la photo que j'ai postée sur les réseaux sociaux, je les trouve magnifiques", nous raconte Felix-Nathan, qui a lancé un hashtag pour partager son histoire.

La seule exception pour une visite était en cas de décès

Les voir hospitalisés tous les deux, à 74 et 78 ans, des suites d'une infection au Covid-19, est évidemment une épreuve difficile. De plus, les équipes médicales annoncent la couleur dès le départ à Felix et sa famille : les visites sont interdites, à l'UZ Brussel. "Au début, j’étais en colère", avoue Felix-Nathan. "Mais petit à petit ça s’est calmé. On a plusieurs fois posé la question des visites, et ils nous ont dit : 'Non, il y a trop de risques'. Ils nous ont même dit que la seule exception pour une visite était en cas de décès, mais ça n’a pas de sens, pour moi."

La veille du décès de mon père, ils nous ont téléphoné pour nous demander de venir

"Papa est parti dans mes bras"

Lorsque Felix-Nathan reçoit un appel de l'hôpital, il y a tout juste une semaine, il ne l'interprète donc pas comme un bon signe. "La veille du décès de mon père, ils nous ont téléphoné pour nous demander de venir. Là, j’ai compris que ça n’allait pas. Quand j’ai vu l’état dans lequel était mon père, j’étais…" Felix, bouleversé, soupire et ne parvient pas à terminer sa phrase. 

Cette journée du 25 février reste gravée dans sa mémoire. "Ma sœur m’a dit : 'Il faut que tu viennes, papa est en train de partir'. Je suis arrivé, et 5 minutes après, papa est parti dans mes bras." Malheureusement, Jean-Christophe, le père de Felix, n'a pas pu recevoir de visite ni de soutien de ses proches durant son combat en soins intensifs. 

Un déclic a alors lieu : Felix refuse que sa maman subisse les mêmes épreuves, et se batte seule, sans la présence des personnes qui comptent le plus pour elle. 

Je pense que le corps médical est sous pression, je ne leur en veux pas

#JeVeuxVoirMaman : "C'est ma mère, je n'en ai qu'une seule"

Felix-Nathan lance un hashtag sur les réseaux sociaux pour raconter son histoire : #JeVeuxVoirMaman. "J’ai eu énormément de soutien et de retours, même de la part de travailleurs du secteur médical. J’ai des témoignages de soutien de partout dans le monde, de gens qui ont vécu la même chose que moi." 

Felix demande aux autorités de l'hôpital d'entendre son appel, de considérer un assouplissement des règles en matière de visites, pour au moins permettre à l'un des membres de sa famille de soutenir sa maman hospitalisée. "Je pense que le corps médical est sous pression, je ne leur en veux pas", précise l'homme, serein. "Mon papa est parti, et je n’ai pas envie d’avoir de regrets. J’essaye d’être dans l’écoute de l’autre, et comprendre les raisons de l’hôpital."

La technologie a ses limites, et on a besoin de contact humain

Felix-Nathan est plus que déterminé à remuer ciel et terre. "C'est ma mère, je n'en ai qu'une seule. J'ai même voulu faire une grève de la faim. Sans aide de leur famille, nos aînés sont seuls, affaiblis, ils vont se laisser partir." Et si aujourd'hui ce père de famille a bon espoir, c'est aussi parce qu'il reste en contact quotidien avec sa maman virtuellement, grâce aux efforts du corps médical qui s'occupe d'elle. "Ma maman réagit fort au toucher, à la musique, ou à nos voix. Ma petite sœur, qui est le plus souvent en contact avec les médecins, m’a dit : 'Dès que maman entend ta voix, elle ouvre les yeux.' Donc, je fais des audios tous les jours."

Cependant, ces contacts virtuels ne suffisent plus. "À un moment donné, la technologie a ses limites, et on a besoin de contact humain."

L'hôpital réagit : "Aucune permission de visite ne sera accordée pour l'instant"

Nous avons pris contact avec l'UZ Brussel pour mieux comprendre cette interdiction de visite. Il se trouve que celle-ci est généralisée. "Toutes les visites sont interdites pour l'instant", confirme Karolien Deprez, porte-parole de l'hôpital. "Sauf pour les patients en fin de vie, là on permet à la famille d'accompagner son proche."

En soins intensifs, on prévoit des appels plusieurs fois par jour pour tenir les familles informées

L'hôpital comprend la détresse des personnes qui ne peuvent pas rendre visite à leurs proches, mais précise que tout est mis en oeuvre pour tenir les familles des patients au courant. "En soins intensifs, on prévoit des appels plusieurs fois par jour pour tenir les familles informées. Le matin, un infirmier explique le déroulement de la nuit. Dans la journée, un médecin rappelle pour donner des informations sur l'état de santé global du patient."

Actuellement, le personnel médical de l'hôpital soigne 44 patients atteints du Covid-19, dont 7 aux soins intensifs, parmi lesquels 5 nécessitent d'être intubés (chiffres du 4 mars 2021). Selon la porte-parole de l'hôpital, "aucune permission de visite ne sera accordée pour l'instant", le but étant de "protéger les visiteurs et les patients, le Covid étant une maladie très contagieuse".

Par ailleurs, Karolien Deprez souligne la fragilité extrême des patients en soins intensifs. "C'est dur émotionnellement pour toutes les personnes impliquées, pour nos collègues aussi, qui ressentent les émotions des familles, au quotidien." A priori, l'UZ Brussel ne compte pas assouplir ses règles en matière de visites. À Bruxelles, l'hôpital Erasme, notamment, pratique les mêmes mesures pour l'encadrement des visites. À l'hôpital Saint-Luc, c'est une autre politique : les visites en soins intensifs sont autorisées, mais limitées à deux personnes pendant une durée maximale d'une heure.

Ainsi, Felix-Nathan garde bon espoir que sa voix soit entendue par les autorités de l'hôpital. "Je veux pouvoir au moins avoir une discussion avec eux", conclut-il. "Au moins laisser le miracle être possible, si le contact humain peut nous sauver. Je suis sûr que si un proche est à côté de ma maman pour la stimuler, ça ira bien mieux."

Après cette mobilisation, un retournement de situation

La suite de cette histoire ne contredit pas Felix-Nathan. Toute l'énergie qu'il a mise dans son combat pour rendre visite à sa maman en valait la peine, puisque lors de la rédaction de cet article, Felix reçoit un appel salvateur. "Le service Covid des soins intensifs de l’UZ Brussel a téléphoné, comme je l’espérais, à ma petite soeur pour l'informer que les visites pour maman sont autorisées à partir de demain", nous annonce fièrement le Carolo. 

Je veux que cela s’applique aussi à tous les patients Covid des soins intensifs

Concrètement, la maman de Felix, dans un état suffisamment stable, a pu être déplacée vers une autre unité de soins intensifs, où les visites seront effectuées "sous bonne garde", selon les mots de notre témoin. "Je ne sais pas comment vous dire merci, mais mes frères et sœurs sont en larmes car on va pouvoir voir maman", ajoute Felix-Nathan, qui ne sait pas encore combien de personnes pourront rendre visite à sa maman.

Le combat n'est pas terminé pour autant. En effet, il ne s'agit pas que de lui, bien au contraire : Felix souhaite se battre pour toutes les autres personnes qui vivent cette situation difficile, particulièrement celles dont les proches sont aussi hospitalisés à l'UZ Brussel. "Je veux que cela s’applique aussi à tous les patients Covid des soins intensifs. Votre article sera hyper important dans mon combat pour toutes les personnes qui luttent seules, isolées de leurs proches aux soins intensifs."

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