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"Que se taisent les armes!", lance le pape en visite historique en Irak

"Que se taisent les armes!", a lancé le pape François au début de la première visite papale de l'histoire de l'Irak ravagé par les guerres et désormais confronté à la pandémie, saluant des chrétiens "restés" malgré tout.

Sous haute protection et circulant seul et masqué sous un strict confinement anti-Covid, le souverain pontife de 84 ans a remercié "évêques et prêtres, d'être demeurés proches" d'une minorité passée en vingt ans de 1,5 million de membres à moins de 400.000 au gré des violences et des crises.

Il a commencé par rappeler le calvaire des Yazidis, petite communauté ésotérique martyrisée par le groupe Etat islamique (EI) en 2014, avant de revenir à l'un des épisodes les plus douloureux de l'histoire récente des chrétiens d'Irak.

En la cathédrale Notre-Dame du Secours perpétuel à Bagdad, visée à la veille de la Toussaint 2010 par la prise d'otages la plus sanglante contre des chrétiens d'Irak (53 morts), il a évoqué "nos frères et soeurs morts (...) dont la cause de béatification est en cours" car ils "ont payé le prix extrême de leur fidélité au Seigneur et à son Eglise".

C'est la toute première apparition dans une église en Irak au milieu des fidèles d'un pape friand de bains de foule mais qui en sera privé pour son premier voyage en 15 mois en raison du Covid-19.

Au cours de son séjour -- qui s'achèvera lundi au terme de 1.445 km parcourus principalement par les airs pour éviter les zones où se terrent toujours des jihadistes -- le pape tendra également la main aux musulmans en rencontrant le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité pour de nombreux chiites d'Irak et du monde.

Le chef des 1,3 milliard de catholiques du monde a évoqué tous les sujets brûlants en Irak devant ses plus hauts responsables, parmi lesquels le président Barham Saleh, qui a envoyé l'invitation officielle pour cette visite sans précédent et a salué "un invité apprécié" des Irakiens.

"On ne peut imaginer un Moyen-Orient sans chrétien", a encore plaidé M. Saleh, lui-même un Kurde musulman.

- "Assez de violences!" -

"Assez de violences, d'extrémismes, d'intolérances", a dit le pape. Assez aussi, de la "corruption", raison pour laquelle des centaines de milliers d'Irakiens ont manifesté pendant des mois fin 2019. A l'époque déjà, le pape avait exhorté l'Irak à cesser de réprimer ses jeunes en demande de justice.

Il faut "édifier la justice", a-t-il de nouveau martelé.

Et que "personne ne soit considéré comme citoyen de deuxième classe", surtout pas les chrétiens -- 1% de la population dans ce pays musulman -- ni les Yazidis, victimes selon le pape de "barbaries insensées et inhumaines".

Il a encore rappelé "la présence très ancienne des chrétiens sur cette terre" où est né selon la tradition Abraham, plaidant pour "leur participation à la vie publique" comme "citoyens jouissant pleinement de droits, de liberté et de responsabilité".

- Programme ambitieux -

Le programme est ambitieux. Najaf, Ur, Erbil, Mossoul, Qaraqosh: à chaque fois, il ne verra que quelques centaines de personnes, à l'exception d'une messe dimanche dans un stade d'Erbil au Kurdistan, en présence de plusieurs milliers de fidèles.

Bagdad a assuré avoir pris toutes les mesures de sécurité "terrestres et aériennes". Et, signe de détente inespéré dans les tensions irano-américaines toujours latentes en Irak, un des groupuscules qui revendiquent parfois des tirs de roquette visant des Américains a annoncé une trêve le temps de la visite papale.

Au sujet des ingérences étrangères, le pape a appelé "les nations" à ne pas "imposer des intérêts politiques ou idéologiques" à l'Irak.

Pour Saad al-Rassam, chrétien à Mossoul, ville toujours en reconstruction après la guerre contre l'EI, ce voyage tombe à point nommé dans ce pays qui a vu son taux de pauvreté doubler à 40% en 2020. "Nous espérons que le pape expliquera au gouvernement qu'il doit aider son peuple", dit-il à l'AFP.

Au-delà des difficultés sécuritaires ou économiques que subissent les 40 millions d'Irakiens, les chrétiens dénoncent des discriminations et le peu d'aide du gouvernement pour récupérer leurs maisons ou leurs terres, souvent accaparées par des miliciens -- parfois chrétiens -- ou des proches de politiciens.

- Main tendue au chiisme -

Malgré tout, le pape exhorte les chrétiens à rester ou à revenir en Irak où ils sont 400.000, contre 1,5 million il y a vingt ans.

Un appel au retour "obligatoire" mais "difficile", observe le cardinal le cardinal Leonardo Sandri, qui chapeaute la "Congrégation pour les églises orientales" au Vatican et accompagne le pape, tant l'Irak va depuis 40 ans de guerre en crise.

Selon la fondation "Aide à l'Eglise en détresse", seuls 36.000 des 102.000 chrétiens partis du nord irakien sont revenus. Parmi eux, un tiers dit prévoir de quitter le pays d'ici 2024 par peur des miliciens et en raison du chômage, de la corruption et des discriminations.

Moment historique samedi quand le pape sera reçu dans la ville sainte de Najaf (sud) par le grand ayatollah Ali Sistani, 90 ans et jamais apparu en public.

Le souverain pontife participera également à une prière à Ur avec des dignitaires chiites, sunnites, yazidis et sabéens.

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