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Voici l'impact du Brexit sur Florence, indépendante, qui se fournit en Angleterre

La pandémie a mis entre parenthèse son activité d'esthéticienne médicale, puis quand elle a trouvé un moyen de continuer à gagner sa vie, c'est la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne qui a compliqué sa vie.

La crise du coronavirus a forcé de nombreux indépendants et entreprises à s'adapter, tant bien que mal, à toutes les conséquences de cette pandémie inédite. Comme si ça ne suffisait pas, le fait que le Royaume-Uni ait officiellement quitté l'Union européenne le 1er janvier 2021 a doublement compliqué la tâche de certains. C'est le cas de Florence, qui a contacté la rédaction de RTL INFO via le bouton orange Alertez-nous. "Avec la pandémie, j'ai dû changer mon activité temporairement. J'avais trouvé un bon moyen de limiter la casse, et puis le Brexit est passé par là et j'ai toutes les peines du monde à faire venir les produits que je distribue", nous a-t-elle expliqué. Elle résume ses problèmes dans cette vidéo:

De "l'esthétique médicale" au spray auto-bronzant

Florence est la fondatrice de Dermo Repair -, un établissement spécialisé dans "le recouvrement cicatriciel, donc l'esthétique médicale et paramédicale". Elle est réputée pour "le tatouage tétons 3D pour la reconstruction post-mastectomie, après un cancer du sein (nous l'avions rencontrée en 2019). J'ai deux cabinets, un à Bruxelles et un à Namur".

Bien entendu, "depuis le covid, je suis à l'arrêt, surtout depuis 6 bons mois". Mais Florence n'est pas du genre à s'ennuyer: "J'ai donc essayé de me réinventer, de trouver autre chose. C'était pas une question de vie ou de mort, mais presque". Elle s'est tournée "vers le tanning, c'est une technique de spray autobronzant. On travaille avec un labo en Angleterre, c'est vraiment eux qui ont les meilleurs produits, on a rien trouvé de qualité comparable ailleurs en Europe".

Florence ne fait pas que vendre ces produits. "Les gens (des esthéticiennes, des kinés, même des médecins) viennent faire des formations, avec un kit de produits compris, pour apprendre à appliquer l'autobronzant correctement à leurs clients. Ils apprennent comment faire un tanning professionnel, sans faire de coulures et sans se retrouver comme Ross dans Friends".

Le Brexit complique à nouveau la vie de Florence

L'activité complémentaire de Florence se met en place durant l'automne, et les demandes de formations sont nombreuses. "J'avais fait une grosse commande auprès du laboratoire au mois de décembre, en espérant qu'elle arrive avant les fêtes".

C'est à ce moment-là (31 décembre 2020 à minuit) que le Brexit, donc le fait que le Royaume-Uni quitte l'Europe après des années de négociations complexes, est devenu effectif. Même si le pire scénario du No Deal a été évité in extremis, il y a des conséquences au niveau administratif et fiscal (voir un résumé ici): nouvelles paperasses, TVA à payer en Belgique…

2 mois et demi après, mes commandes de décembre commencent seulement à bouger

"Ça a été le début des emmerdes, le Brexit a mis à nouveau ma société en péril", reconnait Florence. Le problème est logistique et administratif. "Le transporteur, DPD, ne savait pas comment envoyer les colis, donc il a tout renvoyé au fournisseur. Il y avait des données manquantes, visiblement. Comme il exporte beaucoup, mon fournisseur a eu beaucoup d'ennuis mais il a toujours communiqué de manière très claire. Il a essayé de réexpédier le colis avec un autre transporteur, mais le 19 janvier, j'ai vu que les colis étaient à nouveau totalement immobilisés".

Bloqués tantôt en Angleterre, tantôt en Belgique, les produits essentiels à la poursuite des activités de Florence ne lui sont pas parvenus pendant un bon mois. Elle a du en recommander, encore et encore, en espérant que certains finissent par arriver. "A un moment, j'ai du remplir des courriers de bpost (qui s'occupe de déclarer les marchandises à la douane lorsqu'elles arrivent en Belgique puis de régler les irrégularités, NDLR), et maintenant je dois payer la TVA belge sur les produits, plus les frais de bpost".

Depuis quelques semaines, la situation s'est stabilisée. "2 mois et demi après, mes commandes de décembre commencent seulement à bouger. Les produits arrivent plus lentement, et on a des frais à payer. On est occupé à revoir nos tarifs pour les produits car avant on n'avait ni TVA, ni de frais de transporteur…".

En effet, par exemple, quand Florence achète pour 500€ de produit en Angleterre, elle doit ajouter 15€ de livraison, 32€ frais de dédouanement et 3% de droit d'importation (ça varie selon les catégories). Elle doit ensuite ajouter la TVA, donc 562€ + 21% = 680€ ! Avant le Brexit, elle n'aurait payé que les frais de livraison...

La plupart des clientes "compréhensives"

Ce gros retard n'a pas été sans conséquence. "Moi, j'ai fait mes formations (environ 500 euros), qui étaient vendues avec le pack. Je disais à mes étudiantes que les produits allaient arriver, que j'avais fait ma commande depuis deux semaines. Les premières fois, il ne fallait qu'une semaine pour que les produits arrivent".

Des élèves logiquement déçues: "elles auraient du recevoir directement un kit (machine et produit) pour pouvoir commencer 10 rendez-vous et rentabiliser rapidement leur formation, mais elles étaient bloquées".

Heureusement, la plupart des clientes se sont montrées compréhensives. "Elles m'ont dit qu'elles comprenaient, que ce n'était pas ma faute. Mais une d'entre elles avait déjà beaucoup de rendez-vous, elle devait en plus quitter la Belgique avec les produits, donc j'ai loupé une très grosse vente".

La FEB évoque surtout des problèmes avec les exportations belges vers le Royaume-Uni

Nous avons demandé à la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB) si beaucoup de professionnels connaissaient ce genre de mésaventures. "La majorité des problèmes qui nous ont été indiqués jusqu’à présent concerne l’export vers le Royaume-Uni. Ce qui est assez normal puisque nous exportons plus vers le Royaume-Uni que nous n’importons", nous a signalé Oliver Joris. Il y a, comme nous vous le disions, "de nouvelles procédures douanières, de nouveaux contrôles, etc".

Une mauvaise préparation des Anglais au Brexit ?

Cependant, et même si on manque un peu de recul, "il est vrai que certains secteurs nous parlent à présent aussi de problèmes dans le volet importation depuis le Royaume-Uni. Ceci est malheureusement en grande partie dû à la mauvaise préparation côté anglais, tant du côté des administrations que du côté des entreprises. Et ces difficultés, retards, manque d’infos claires se répercutent de facto sur nos entreprises qui importent depuis le Royaume-Uni. Un importateur belge traite toujours avec un exportateur anglais, et si celui-ci n’est pas en ordre ou ne connaît pas encore les nouvelles procédures douanières côté anglais, ça coince (ce ne sont pas les douanes belges qui sont en cause)". La FEB a rédigé une page d'informations reprenant les principaux sujets liant l'activité économique d'une entreprise et le Brexit.

Que dit la loi ?

Rien n'est simple lorsqu'on parle de l'importation de marchandise en provenance de l'extérieur de l'Union européenne. "Depuis le 1er Janvier 2021, les achats effectués auprès d’un site de vente (ou d'une entreprise) britannique sont considérés comme des importations extracommunautaires au même titre que n’importe quel achat passé auprès d’un vendeur non européen", précise le Centre Européen des Consommateurs. Des commandes comme celles effectuées par Florence sont donc "susceptibles de faire l’objet d’un dédouanement à son arrivée sur le territoire de l’UE et donc d’être soumise à la TVA et à des droits à l’importation". On dit "susceptible", car vu les innombrables colis privés et professionnels arrivant depuis le reste du monde vers l'Europe, via la Belgique, la douane ne peut pas tout vérifier. Il y a des contrôles aléatoires sur base d'une analyse de risque selon la déclaration (ou l'absence de déclaration), notamment. Quoi qu'il en soit, un colis en provenance du Royaume-Uni, depuis le 1er janvier 2021, est théoriquement soumis aux frais suivants :


(© CEC Belgique)

Donc quand Florence achète pour 500€ de produit en Angleterre, elle doit ajouter 15€ de livraison, 32€ frais de dédouanement et 3% de droit d'importation (ça varie selon les catégories). Elle doit ensuite ajouter la TVA, donc 562€ + 21% = 680€ ! Avant le Brexit, elle n'aurait payé que les frais de livraison...

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