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Les poulets vendus à des prix toujours plus bas en supermarchés: qui y perd, qui y gagne? (vidéo)

Les supermarchés vendent des poulets à des prix de plus en plus bas. Comment de tels prix sont-ils possibles ? Les producteurs sont-ils correctement rémunérés ? Une de nos équipes a mené l'enquête.

Dans la chaîne de supermarchés Lidl, nous repérons un poulet vendu 2,39 euros, soit 1,15 euros le kilo. Le prix est étonnant, voire impossible. Nous avons donc voulu vérifier. En magasin, nous retrouvons ce poulet. La publicité ne dit pas la vérité car 2,39 euros, c'est le prix au kilo. Le poulet que nous achetons est donc vendu 2,88 euros. Un prix qui reste bas… Mais comment l’expliquer ? Lidl refuse de nous accorder une interview. Mais par écrit, le supermarché nous répond. "Nous nous alignons sur les prix pratiqués par la concurrence. Il ne s’agit en aucun cas d’une initiative de notre part. Notre campagne n’impacte pas le montant reçu par l’éleveur de poulets."

Lidl s’aligne effectivement sur les autres supermarchés. Chez Colruyt, un poulet est aussi vendu 2,39 euros le kilo. Les prix sont légèrement plus élevés pour les autres grandes marques, mais restent aux alentours des 3 euros. "À ce prix-là, ce n’est pas normal, commente une cliente. Il y a la moitié d’eau dans la viande." "J’image que c’est là où en élève des milliers et qu’ils n’ont pas la place pour bouger", ajoute un autre client. "Avec des mixtures chimiques, je ne sais pas trop. Le fermier ne doit pas avoir de rentrées, ce n’est pas possible", conclut une autre dame.

On est à la limite de la rentabilité

À ce prix-là, il n'y a pas de doute, il s’agit d’un poulet issu de la filière standard. Et actuellement sur le marché, un poulet se vend 85 cents le kilo.  À ce prix-là, il est difficile de s’en sortir pour Pierre Papy, aviculteur. "À 85 cents, on arrive à payer les frais, parce que l’aliment a fortement augmenté aussi. Donc un aliment élevé et un prix au kilo de viande trop bas font en sorte que pour le moment, avec ce prix, on est à la limite de la rentabilité. C’est la plus mauvaise année depuis que je fais de la volaille."

Une filière souvent critiquée

La crise sanitaire et la fermeture des restaurants ont aggravé la situation. Pour s’en sortir, il faut donc optimiser l’élevage. Dans les hangars de cet aviculteur, il y a près de 100.000 poulets, soit 20 par m². Ils atteignent leur poids d’abatage en 33 ou 42 jours, ce qui permet à cet aviculteur de produire 7 cycles par an. Ces poulets ne verront jamais la lumière du jour.

Une filière souvent critiquée, que cet agriculteur défend. "Je suis convaincu que le poulet n’est pas mal. Il a de l’oxygène. Il a de la place en suffisance. Il a à boire et à manger à volonté. Donc il a une maison où la climatisation est optimale. Vous ouvrez une porte, aucun poulet ne va sortir. Il va rester là parce qu’il a tout ce qu’il lui faut."

Le Belge consomme chaque année 13 kg de poulet. "Je préfère mettre un peu plus cher. En manger moins souvent mais être sûre d'avoir une bonne qualité et une bonne filière", affirme une cliente. Lorsque nous montrons un poulet standard à un client, sa réponse ne se fait pas attendre. "C’est de l’industriel ça. C’est honteux, un scandale. Comment on les met… c’est un scandale pour moi." Mais il en achète tout de même "parce que c’est bon marché mais ce n’est pas la qualité… Il faut se nourrir".

La filière alternative

C’est la réalité économique. La filière standard moins chère représente 90% de la consommation belge.  Les 10% restant proviennent de la filière alternative, comme chez Bernard Dutilleux, à Forville. "On va voir les poussins qui sont arrivés il y a une semaine lundi." Ces poussins ont aujourd’hui 10 jours. Ils sont 4800 dans ce hangar. "Ils ont suffisamment de place pour se promener. Ils ne sont pas entassés. C’est le bien-être animal en plein. Ils ont de la liberté."

Ici, les poulets sont 10… au lieu de 20 par m², et atteignent leur poids d’abatage en 72 jours, soit 4 cycles de production en un an. Après 4 semaines, ils verront la lumière du jour, puisqu'ils disposeront d'un terrain de deux hectares. "C’est comme nous, on aime bien sortir prendre l’air et se promener. Eux, c’est à peu près ça. Quand ils sortent, ils aiment bien courir, se promener et ils ont de l’herbe aussi."

Les poulets aiment bien courir, se promener

Ses poulets sont vendus 2,40 euros le kilo, pour un prix en magasin de 10 euros environ. C’est quatre fois plus que la filière standard. Ce sont deux méthodes de production, mais la demande est la même: stop à la course au prix bas.

"Un poulet proposé à 2,39 euros en magasin, pour moi, c’est le prix que devrait toucher le producteur si on parle de prix juste, explique Bernard Mayne, chargé de mission économique Collège des producteurs. Et on n’y est pas encore à l’heure actuelle. J’essaye aussi de comprendre comment c’est possible qu’on propose un produit fini au consommateur alors que le producteur n’est pas payé au prix juste."

Les deux filières présentent leurs avantages. C’est aussi au consommateur de faire son choix en fonction de ses convictions… et de son portefeuille.

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