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Jules, un Bruxellois agacé, a compté les infractions des cyclistes depuis sa terrasse: "J'ai mis une barre à chaque infraction"

Irrité par le comportement "je-m'en-foutiste" des cyclistes, Jules, un habitant de Bruxelles, a décidé de s'asseoir à sa terrasse en pleine heure de pointe. Du haut de son balcon, il a compté les infractions des cyclistes qu'il a vu passer. En une heure, ce retraité a récolté des résultats édifiants, selon lui. Il en est persuadé : les cyclistes ne respectent rien. Nous avons tenté de vérifier la véracité de ce cliché qui, aujourd'hui encore, a la peau dure.

Depuis sa terrasse, Jules a une vue imprenable sur le carrefour Reyers, à Bruxelles. Ce Schaerbeekois en profite, quand le temps lui permet. "Je vais souvent sur la terrasse, quand il fait bon", nous raconte-t-il. "Je suis seul, et je regarde dehors." Seulement, un sentiment d'agacement s'empare parfois de Jules, et c'est souvent pendant l'heure de pointe. "Je regarde les cyclistes, et je me dis à chaque fois : 'M'enfin, ils ne font pas attention ! Qu'est-ce que c'est que ça?'"

Un jour de semaine, en pleine heure de pointe, Jules se donne pour mission de compter les infractions qu'il aperçoit du haut de son balcon. Face aux résultats, l'homme décide de nous contacter via le bouton orange Alertez-nous. "Le matin, je dors", affirme-t-il d'emblée. "Je suis pensionné, donc l’heure de pointe est passée quand je me réveille. Dans la journée, il n’y a pas autant de circulation. Mais l’heure de pointe de 17 à 18h, ça a bien marché."

"J'ai mis une barre à chaque infraction"

En une heure, Jules affirme avoir aperçu 52 cyclistes passer au feu rouge, mais aussi 46 rouler sur le passage piéton. Selon ses comptes, 48 cyclistes ont aussi traversé le carrefour sans emprunter les pistes cyclables prévues à cet effet. "J’ai pris une feuille, d’ailleurs je l’ai là devant moi, et j’ai mis une barre à chaque infraction", explique le retraité. "Je me dis : 'Mais comment c'est possible ?', surtout quand je vois des cyclistes en infraction alors qu'ils ont un enfant sur le siège derrière eux."

Ça va dans tous les sens

Ce Schaerbeekois l'admet, le carrefour Reyers est tout de même assez particulier. "C'est un grand carrefour. Il y a l'avenue de Roodebeek, puis l'avenue des Cerisiers, et l'avenue Diamant qui descend : c'est immense. Ça va dans tous les sens. Enfin, pas les voitures, mais les vélos, eux, s'en foutent. Je n'ai vu aucune voiture commettre d'infraction."

"Ils s'en foutent": vraiment ? Nous avons vérifié

Jules, automobiliste, mais aussi cycliste quand sa santé le lui permet, en est persuadé : "Pour moi, tout le monde s'en fout. Ils pensent que puisqu’ils sont usagers faibles, ils ont toujours la priorité. Ils se disent que les voitures n’ont qu’à s’arrêter. Tout est permis. Moi, ce genre de trucs, ça me gêne, et ça m'énerve."

Le pensionné décrit un sentiment général, une sorte de cliché. Mais les cyclistes font-ils vraiment n’importe quoi sur la route ? Pour mieux comprendre, nous sommes retournés au carrefour Reyers, à Bruxelles, pour rencontrer Florine Cuignet, chargée de politique bruxelloise au GRACQ (Groupe de Recherche et d’Action pour les Cyclistes au Quotidien). Sur son vélo, elle s’atèle à nous montrer les difficultés des cyclistes dans ce carrefour où voitures, vélos ou trottinettes se côtoient de près. Pour cela, nous l’équipons d’un micro et d’une caméra embarquée. "Là, je suis dans le trafic", commente Florine Cuignet tout en pédalant. "Les voitures qui souhaitent tourner à gauche le font en un seul mouvement, mais le cycliste, lui, est obligé de faire tout un détour sur la droite."

Les temps d’attente sont considérablement longs sur ce carrefour

En effet, des pistes cyclables ont été aménagées le long du carrefour, pour des raisons de sécurité. Les cyclistes doivent donc faire le tour du carrefour pour se rendre d’un point A à un point B. Sur le chemin, plusieurs feux rouges. "Voilà, j’ai de nouveau un temps d’attente à une nouvelle traversée", poursuit Florine Cuignet, devant un feu de signalisation pour cyclistes. "Ça peut durer un petit temps… Les temps d’attente sont quand même considérablement longs sur ce carrefour qui est drôlement complexe."

Une fois la traversée terminée, nous retrouvons la représentante du GRACQ, essoufflée, mais toujours motivée. "C’est horriblement long !", insiste-t-elle. "On n’a pas moins de cinq traversées à effectuer, avec parfois des feux qui sont coordonnés, mais néanmoins ça prend énormément de temps, alors que les voitures peuvent effectuer leur tourne-à-gauche en un seul temps, en quelques secondes."

Certains sont donc tentés de traverser en plein milieu du carrefour, ou encore de brûler les feux rouges, comme l’a constaté Jules, notre alerteur, depuis sa terrasse. "Ils s’en foutent", exprime le retraité. Florine Cuignet, elle, nuance. "C’est un petit peu caricatural. Je pense qu’on voit de plus en plus de cyclistes, et donc les infractions aussi sont plus visibles. Maintenant, une partie des infractions est liée au fait que la ville ne soit pas encore complètement adaptée."

Bientôt vers des contrôles renforcés ?

L'exemple illustré avec le GRACQ a permis de mettre en lumière certaines difficultés rencontrées par les cyclistes en ville, et qui peuvent parfois en pousser certains à commettre une infraction. Selon les statistiques fournies par la police fédérale, trois infractions ont été le plus fréquemment constatées en 2020 : 

- Conditions techniques non-respectées : 3.151

- Feux de signalisation : 3.305

- Signaux d'interdiction : 1.112

Au total, 14.300 infractions ont été commises par des cyclistes sur l'année. Sur les deux années précédentes, la moyenne des PV dressés à l'encontre des cyclistes est de 15.000 par an. La tendance reste donc stable.

Ce sera un PV si l'infraction est grave

Ces infractions sont-elles pour autant sanctionnées ? Pour répondre à cette question, nous avons suivi une équipe de police à Bruxelles. Ce jour-là, plusieurs infractions sont constatées par les agents. Ceux-ci arrêtent les cyclistes pour les informer des dangers de leur comportement. En revanche, aucune sanction n'est délivrée. Le but, pour l'instant, est d'informer les cyclistes : priorité à la prévention. Les contrôles devraient ensuite devenir plus fréquents. "L'idée est de faire des grands barrages routiers où tout le monde sera contrôlé", affirme Audrey Dereymaeker, directrice de la cellule communication de la police de Bruxelles-Nord. "Soit, ce sera un rappel à la loi, soit ce sera un PV si l'infraction est grave."

Pour l'instant, ces contrôles plus stricts ne sont pas une priorité. Selon l'institut VIAS pour la sécurité routière, un peu plus de 1.000 cyclistes ont été blessés dans un accident en 2020, tant à Bruxelles qu'en Wallonie. En Flandre, par contre, le nombre s'élève à près de 8.000.

  • Pour aller plus loin : faut-il un permis de conduire pour les cyclistes ?

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