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Le cœlacanthe, poisson "préhistorique", beaucoup plus vulnérable qu'imaginé

Le cœlacanthe, une espèce de poisson "préhistorique" menacée d'extinction, est beaucoup plus vulnérable qu'on ne l'imaginait, selon une étude de biologistes marins parue jeudi.

Ils ont établi que Latimeria chalimnae, parfois qualifié de "fossile vivant" et établi dans les eaux de l'Océan indien, autour des Comores, vit cinq fois plus longtemps qu'on ne le pensait. Il se reproduit aussi à un âge très tardif, à plus de 50 ans, une particularité qui le met à risque d'être pêché avant d'avoir pu perpétuer l'espèce.

"On savait sa population en danger, mais avec ces nouveaux paramètres, nous montrons que le cœlacanthe est particulièrement en danger", dit à l'AFP Kélig Mahé, biologiste marin de l'Ifremer, et principal auteur de l'étude parue dans Current Biology.

Il reste peut-être, selon lui, de 1.000 à 2.000 individus au large de l'Afrique de l'Est de cette espèce légendaire, qui est sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature.

Vieux de 400 millions d'années, cet animal placide et imposant, à la robe bleue et tachetée de blanc, porte les prémisses -un poumon et un ancêtre de pattes- du passage, un peu plus tard, des poissons vers les premiers vertébrés terrestres.

On le croyait disparu depuis au moins 70 millions d'années, jusqu'à ce que des pêcheurs en rapportent des spécimens en 1938.

- Cavernes sous-marines -

De rares études lui donnaient une espérance de vie d'une vingtaine d'années, pour une taille adulte atteignant deux mètres.

"On a comparé ça au thon rouge, qui est un poisson fait pour une croissance super rapide, et on a trouvé ça bizarre", rapporte Kélig Mahé, alerté par son collègue Marc Herbin, du Muséum d'histoire naturelle de Paris, qui détient la plus grande collection au monde de cœlacanthes. Car beaucoup de choses ne collaient pas avec le peu qu'on connaît de l'animal.

"On sait qu'il a un métabolisme très lent (à la différence du thon rouge, ndlr) et qu'en général une telle espèce a une croissance lente", souligne le chercheur. "Il vit seul dans des cavernes sous-marines, entre 100 et 1.000 m de fond, et sort la nuit pour se nourrir".

Autre indice, le temps de gestation supposé de l'embryon dans le corps de la femelle était de deux ans, une durée anormalement longue pour une existence d'à peine 20 ans.

Les analyses initiales comptaient les stries de croissance des écailles, visibles au microscope, qui donnent l'âge d'un poisson comme le font pour les arbres les cernes de croissance du tronc.

- Gestation de cinq ans -

L'équipe de Kélig Mahé a repris l'expérience, avec des moyens plus conséquents que les précédentes. Spécialisée dans l'estimation de l'âge des espèces "commerciales" de poissons, elle en détermine entre 30 et 40.000 par an.

Sous une lumière normale, les chercheurs ont retrouvé les stries des premières analyses. Mais en utilisant une lumière polarisée, qui répartit le champ électrique dans une direction donnée, "on a découvert plein de micro-stries, environ cinq pour chacune observée en lumière normale".

Ce sont ces micro-stries qui déterminent l'âge du poisson. Une analyse confirmée avec un autre laboratoire fournissant une image des écailles en 3D.

Résultat, le spécimen le plus âgé étudié atteint 85 ans dans cette espèce à l'espérance de vie probablement centenaire. Sa période de gestation a aussi été revue à la hausse, de deux à cinq ans, en étudiant deux embryons conservé au Muséum. Un record dans le monde animal, où l'éléphant était en tête avec plus de deux ans pour la gestation.

Mais cette lenteur relative le met en grand danger pour sa reproduction, parce que les chercheurs ont déterminé que le cœlacanthe atteignait la maturité sexuelle autour de 50 ans.

"C'est très rare, même s'il existe un cas semblable avec les requins des grands fonds", indique M. Mahé. Comme le cœlacanthe "doit atteindre cet âge pour se reproduire, il ne faut pas qu'il lui arrive de problème jusque là" pour assurer sa descendance.

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