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"La ligne rouge a été franchie": le président hongrois se fait recadrer par les dirigeants européens pour sa loi jugée homophobe

Les dirigeants européens ont vivement condamné jeudi le Hongrois Viktor Orban pour sa loi jugée homophobe mais n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un sommet avec Vladimir Poutine.

La législation hongroise controversée a suscité un débat d'une virulence inhabituelle lors d'un sommet des Vingt-Sept à Bruxelles, selon des participants.

"Ce n'était pas une discussion diplomatique, c'était plutôt une confrontation", a commenté le Premier ministre belge Alexander De Croo, jugeant ce moment "assez historique".

Cette loi a conduit 17 pays membres, dont la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Italie et la Belgique, à interpeller dans une lettre les chefs de l'UE Charles Michel et Ursula von der Leyen et le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres (invité au sommet) sur la nécessité de faire respecter les valeurs européennes.

De Croo a souligné que "la quasi-unanimité" des leaders avaient critiqué le dirigeant souverainiste qui n'a pu compter que sur le soutien de son homologue polonais et "un peu" du Slovène.

"La discussion a été animée et très, très franche", a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel. "Nous avons tous été très clairs sur les valeurs fondamentales auxquelles nous tenons".

Très offensif, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a affirmé que la Hongrie, avec sa loi, n'avait "plus rien à faire dans l'Union européenne". Il a lancé à Viktor Orban que si les valeurs de l'UE ne lui convenaient pas, il n'avait qu'à activer l'article 50 du traité "qui a été créé pour cela" et quitter l'Union -comme l'ont fait les Britanniques-, selon une source européenne.

"Ligne rouge" 

Selon cette source, le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel a estimé qu'une "ligne rouge" avait été franchie et le Suédois Stefan Löfven a averti que ses concitoyens n'avaient pas envie "d'envoyer de l'argent à un pays" agissant de la sorte, alors que les fonds de l'UE représentent une manne importante pour la Hongrie.

La loi prévoit que "la pornographie et les contenus qui représentent la sexualité ou promeuvent la déviation de l'identité de genre, le changement de sexe et l'homosexualité ne doivent pas être accessibles aux moins de 18 ans".

Cette loi "ne me paraît pas conforme à nos valeurs", avait jugé le président français Emmanuel Macron, espérant pouvoir convaincre le dirigeant hongrois d'un "changement de ce texte".

"La loi ne concerne pas les homosexuels (mais) la façon dont les parents veulent faire l'éducation sexuelle de leurs enfants", s'est défendu Viktor Orban, accusant ses homologues européens de ne pas l'avoir lue.

"La Hongrie ne veut pas quitter l'UE. Au contraire, nous voulons la sauver des hypocrites", a tweeté la ministre hongroise de la Justice, Judit Varga.

Le texte controversé a valu à Budapest une lettre de remontrances de la Commission, qui lui a donné jusqu'au 30 juin pour répondre. L'exécutif européen a le pouvoir d'entamer des procédures pour violation du droit européen pouvant mener à une saisine de la Cour de justice de l'UE et à des sanctions.

"Trop tôt" 

Après ces échanges orageux, les chefs d'Etat et de gouvernement ont abordé l'épineuse question des relations avec la Russie, qui n'ont cessé de se détériorer depuis l'annexion de la Crimée et le début du conflit en Ukraine en 2014.

Ils ont écarté pour le moment la possibilité d'un sommet avec le président russe Vladimir Poutine, estimant que les conditions n'étaient pas réunies. Une perspective qui était souhaitée par Angela Merkel, soutenue par la France. "J'aurais aimé un résultat plus audacieux", a regretté la chancelière dont c'était probablement le dernier Conseil européen.

Une reprise des sommets entre l'UE et la Russie s'est notamment heurtée aux pays de l'Est et aux Baltes.

"Il est trop tôt parce que jusqu'à présent, nous ne voyons pas de changement radical dans le comportement de Vladimir Poutine", a expliqué le président lituanien Gitanas Nauseda.

Du côté des relations difficiles avec la Turquie, les Européens ont invité le président Recep Tayyip Erdogan à lever les derniers obstacles pour renouer les liens après une année de fortes tensions, insistant sur le respect des droits fondamentaux dans ce pays et sur le "règlement du problème chypriote".

La Commission européenne a proposé d'allouer 5,7 milliards d'euros pour financer l'aide aux Syriens réfugiés en Turquie, au Liban et en Jordanie jusqu'en 2024, dont 3,5 milliards destinés à soutenir les 3,7 millions de Syriens installés en Turquie. Les modalités du financement doivent encore être décidées, selon un diplomate.

L'UE a déjà alloué plus de 6 milliards d'euros dans le cadre d'un accord sur la migration conclu avec la Turquie en 2016, dont 4,1 milliards ont été décaissés.

Vendredi, les dirigeants feront le point sur le plan de relance européen destiné à surmonter la crise engendrée par la pandémie, et dont les premiers versements sont attendus dans un mois. Ils tenteront aussi d'aplanir leurs différends sur le projet de réforme de l'imposition des multinationales, avant une réunion cruciale au G20 de Venise en juillet.

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