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Pour les Specials, c'est l'heure de la reprise

Alors que leur morceau emblématique "Ghost Town" fête ses 40 ans, les vétérans des Specials ressurgissent avec un album de reprises, toujours fidèles à leur fibre sociale et contestataire.

Les clubs qui fermaient leurs portes et les musiciens qui ne jouaient plus dans une Angleterre en crise étaient au cœur de cette chanson du groupe phare du renouveau ska en 1981.

Un triste tableau réactualisé durant la crise sanitaire. "C'est une chanson qui a capturé l'air du temps et est toujours pertinente, il paraît que lors du premier confinement à New-York tout le monde la chantait", commente pour l'AFP le bassiste Horace Panter, en visio depuis sa maison des Midlands (centre de l'Angleterre).

Et voilà que les Rolling Stones lâchent en avril 2020 un nouveau morceau, "Living In A Ghost Town". "Les gens m'appelaient pour me dire +Les Stones ont volé votre morceau !+ (rires), je leur disais +Mais de quoi parlez-vous ? Ce sont les Stones, ils font ce qu'ils veulent+, c'est sans doute ce qu'ils voulaient entendre (rires)", s'amuse le sexagénaire.

Le nouvel album qui sort vendredi ("The Specials, Protest Songs, 1924-2012", des morceaux contestataires dans un répertoire puisé entre ces deux dates) est un de ces petits miracles jalonnant l'histoire erratique du groupe.

- "Année des mouvements sociaux" -

On citera un chanteur (Terry Hall) dépressif, révélant naguère dans une chanson avoir été victime de pédophilie lors d'un voyage scolaire en France, une séparation de la formation après deux premiers albums au début des années 1980 et différents rabibochages. En 2019, il y avait déjà eu "Encore", album inespéré avec Hall, Lynval Golding (guitariste) et Panter, noyau dur qu'on retrouve ici (sur scène la semaine dernière, ils étaient neuf avec des musiciens d'appoint).

Interrogé sur la genèse du nouvel opus, Panter glisse malicieusement: "Quand un groupe n'a plus d'idée, il fait des reprises". Faux, évidemment. "2020 a été l'année des mouvements sociaux en tout genre, on a pensé à des reprises en rapport avec ça", déroule plus sérieusement le musicien.

Dire que le mouvement Black Lives Matter les inspire serait enfoncer une porte ouverte. Le groupe est anti-raciste par essence. Les pochettes des premiers albums se parent d'un damier noir et blanc, symbole des couleurs de peau réunies dans la formation.

"On n'allait pas chanter juste +Give Peace A Chance+ (John Lennon), il fallait aller plus profond", brosse Panter. "C'était presque un exercice académique, on a fait des recherches". Le tout loin du ska, dans un bel éventail de courants.

- Parcours cabossés -

A côté d'un incontournable, "Get Up, Stand Up" de Bob Marley, on trouve "Everybody Knows" de Leonard Cohen (et ses échos d'une société où les dés sont pipés) et, plus surprenant, "Fuck All the Perfect People" de Chip Taylor. Et pas parce que ce titre connaît une belle exposition dans la série "Sex Education".

Panter a découvert que Taylor (longtemps seulement connu comme le créateur du "Wild Thing" originel repris par Jimi Hendrix) a écrit cette chanson après la visite d'une prison en Norvège. L'auteur s'était senti proche des parcours cabossés ("Que les gens parfaits aillent se faire foutre").

Le morceau peut aussi s'entendre aujourd'hui comme une dénonciation d'influenceurs aux vies plus que parfaites derrière des écrans parfois trompeurs.

Même si les réseaux sociaux sont une "forme extra-terrestre" pour Panter, qui a souffert pour se connecter en visio, il ne les condamne pas. "Je dis ça aujourd'hui dans ma fin de soixantaine, mais c'est aussi ce qu'ont dû penser mes parents quand ils m'ont vu écouter +Freak Out !+ (des Mothers of Invention de Frank Zappa), premier disque que j'ai acheté à l'âge 15 ans (rires)".

Les Specials reprennent d'ailleurs "Trouble Every Day" composé par un Zappa effaré devant sa télé par les images des violences policières. Thème toujours d'actualité.

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