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Est de la RDC: une chocolaterie survit dans la fournaise des rebelles ADF

"Nous sommes des pionniers !" lance Roger Muhindo devant l'entrée de sa chocolaterie qui survit dans l'est de la République démocratique du Congo, où des rebelles du groupe Forces démocratiques alliées (ADF) ont massacré près de mille civils en douze mois.

Roger Muhindo et la dizaine d'employés de l'usine de "Virunga Origins chocolates" sont au coeur de la tourmente. Les fils barbelés et les gardes armés autour de l'enceinte de ce qui aurait dû être une zone industrielle prospère rappellent que la ligne de front est toute proche.

Malgré l’extrême violence et le manque d’infrastructures, le parc national des Virunga (PNVi) se bat pour faire tourner cette chocolaterie. Ses objectifs: transformer le cacao sur place pour lutter contre sa contrebande vers l'Ouganda voisin et créer des emplois pour lutter contre l'enrôlement dans les groupes armés.

"Il y en a d'autres qui voudraient bien investir ici, mais ils ont peur, avec la guerre et tout ce qui se passe ici", explique M. Muhindo, responsable de production de la petite usine installée depuis janvier 2020 à Mutwanga, dans le territoire troublé de Beni.

En décembre, quelques mois seulement après la commercialisation des premières tablettes de chocolat, Mutwanga et les localités voisines, jusque là relativement épargnées par les violences, sont devenues une des principales cibles des attaques meurtrières attribuées aux rebelles ADF.

En moins d'une année, plus de 200 civils ont été tués dans un rayon de 20 kilomètres autour de la chocolaterie, principalement dans les villages isolés, près des plantations de cacao.

Depuis 2019, l'organisation État islamique (EI) revendique une partie des attaques des rebelles du groupe armé ADF contre les civils et des positions de l'armée congolaise. L'EI présente la rébellion ADF dans ses communiqués comme sa branche en Afrique centrale (Islamic State Central Africa Province, Iscap).

- Torréfacteur solaire -

"On déploie des petites unités partout pour protéger ceux qui sont dans leurs champs mais ça nous rend quand même le travail trop dur", se lamente Antony Mwalushayi, porte-parole de l’opération Sokola-1 de l’armée congolaise, l'opération de lutte contre les ADF dans le territoire de Beni.

Dans un rapport de juin 2021, le groupe d’experts des Nations unies pour la République démocratique du Congo précise que parallèlement aux attaques et kidnappings commis par les ADF contre les cultivateurs de cacao, des militaires des forces armées congolaises ont récolté les cabosses dans les champs désertés pour revendre les fèves clandestinement en Ouganda.

Le responsable d'une coopérative agricole qui approvisionne Virunga Origins confirme à l'AFP, sous couvert d'anonymat, que "dès que les planteurs quittent les champs, il y a des militaires qui volent les produits et les revendent aux fraudeurs contrebandiers".

Les gestionnaires du PNVi ne se découragent pas. Après avoir fait tourner la chocolaterie au ralenti, les machines fonctionnent à plein régime depuis quelques mois.

"Nous allons multiplier par dix la capacité de production pour faire face à la demande locale et internationale et nous aurons un des premiers chocolats produits 100% sur énergie renouvelable, grâce au torréfacteur solaire que nous allons installer", annonce Bastien Allard, un des responsables du PNVi. Les travaux d'agrandissement de la chocolaterie sont en cours, indique M. Allard.

Après une première petite centrale hydroélectrique lancée en 2013, le PNVi en a mis en route une autre en 2019, d'une capacité de 2,4 mégawatts, sur les contreforts des monts Rwenzori pour alimenter la cité de Mutwanga et la chocolaterie.

L'objectif est d'inciter des investisseurs à implanter des industries, en bénéficiant de crédit à l’installation et d’électricité stable et bon marché.

"Aujourd'hui, avec la chocolaterie, la population sait voir directement le cacao transformé en chocolat" et, même si cela reste encore timide, "d’autres usines sont en train de s’implanter, si bien que maintenant sur le plan économique ça booste l’économie de la contrée!", se réjouit Jonathan Kahumba, fils de la région et responsable de la centrale hydroélectrique.

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