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"C’est l’enfer, on a jusqu’à 50 minutes de retard": des chauffeurs de bus exaspérés par la circulation dans le centre de Liège

La circulation routière dans le centre de Liège en agace certains. Les chauffeurs de bus sont les premiers impactés par les ralentissements, accusant des retards parfois énormes et les privant de temps de pause. Ceux-ci réclament des solutions pour soulager leur charge de travail, mais ce n’est pas encore pour tout de suite. Syndicats et direction attendent avec impatience l’arrivée du tram… en 2023.

"Je roule au TEC depuis 20 ans et je n’ai jamais vu un 'bordel' sur la route et dans la gestion du TEC tel que maintenant. Sur Liège, c’est l’enfer. Jusqu’à 50 minutes de retard. Des chauffeurs épuisés, on se retrouve à rouler?8 heures avec juste une pause de 20 minutes", a témoigné Thomas (prénom d’emprunt car il veut garder l'anonymat) via le bouton orange Alertez-nous. Des travaux divers ont des conséquences sur le trafic et, de ce fait, en heures de pointe, les bus accusent énormément de retard. "Si on est trop en retard, les contrôleurs nous remettent à l’heure en supprimant des services, c’est-à-dire en sautant des arrêts pour rattraper le retard", assure notre interlocuteur. Dès lors, les bus suivants se retrouvent remplis de navetteurs qui n’ont pas pu prendre les bus précédents. "On a déjà eu des embarras de circulation par le passé mais jamais à ce point-là. Cela devient vraiment compliqué à gérer", soupire le chauffeur. Pour lui, les travaux du tram y sont forcément pour quelque chose. "Le TEC mise tout sur son projet de tram, au détriment des bus. Le tram fait partie du TEC donc la direction doit aussi penser à l’impact sur les bus", estime-t-il. La fermeture du tunnel de Cointe engendrait également énormément de circulation dans le centre-ville. "Le trafic de transit entre les Ardennes, l’Allemagne et vers Bruxelles passait par le centre donc ça engendrait un trafic monstre", confirme Fabian Quintiens, secrétaire régionale du syndicat CGSP pour le TEC Liège.

Réouverture du tunnel de Cointe : "On espère que ça va améliorer la situation"

Heureusement, depuis ce vendredi 15 octobre, ce fameux tunnel – fermé suite aux inondations de la mi-juillet – a finalement pu rouvrir sur une bande de circulation. "On espère que cela va améliorer la situation", souligne le syndicat CGSP. Mais pour Thomas, "ce n’est pas une solution à long terme." Sa solution?? Réorganiser certaines lignes de bus en créant davantage de terminus en périphérie du centre de Liège. Cela permettrait à certains chauffeurs de ne plus entrer dans le centre-ville puisque des bus circulant déjà dans le centre viendraient prendre le relais. Attention, il n’est pas question d’alourdir la tâche des chauffeurs du centre. La piste envisagée par Thomas serait imaginée en fonction des trajets déjà existants. "Cela allégerait des chauffeurs, dit-il. Des syndicats ont déjà fait cette proposition à la direction mais elle refuse tout en bloc." C’est en effet une solution que Thierry Hony, délégué permanent CGSLB TEC Liège-Verviers, avait défendue auprès de la direction. "J’avais envoyé un mail à la direction dans ce sens-là. L’idée était de faire un terminus à la gare des Guillemins et créer un système de navettes qui irait des Guillemins jusqu’à l’opéra. Mais cette solution tombe à l’eau car il va y avoir des nouveaux travaux…", note Thierry Hony.

Thomas estime que le TEC et les autorités communales de la ville de Liège devraient trouver des solutions ensemble, "par exemple, décider de libérer tel ou tel grand parking pour créer un terminus de bus. Ou bien, trouver une solution pour les travaux du tram car quand les travaux vont débuter à Sclessin, on ne s’en sortira pas?!"

Les bandes réservées au bus souvent encombrées d'automobilistes selon un chauffeur TEC

De son côté, Mathieu – un autre conducteur de bus qui a également demandé à rester anonyme – plaide pour davantage de contrôles et de la surveillance. "Personnellement, je suis déjà monté jusqu’à plus d’une heure de retard. Nos sites propres (bandes de circulation réservées aux bus) sont souvent utilisés par les automobilistes car ils essayent de gagner quelques minutes, du coup nous on se retrouve bloqués. Certains quartiers sont problématiques comme ceux où il y a des écoles car les parents se garent là où ils ne doivent pas et ça bloque la circulation. Alors je pense qu’il faudrait surveiller que nos bandes de bus ne soient pas utilisées par les voitures et que la police verbalise un peu plus pour le stationnement illicite… Je pense qu’il y aurait moyen de créer un peu plus de sites propres."

Pour l’instant, on sait quand on part mais on ne sait jamais quand on va rentrer à cause des retards

Mais pour lui aussi, les retards sont principalement causés par les embarras de circulation dans le centre. "Je crois qu’on commence doucement à retrouver une fréquentation normale de voitures sur la route, plus les travaux du tram… Ce sont les axes principaux qui sont concernés", dit-il. "Franchement, pour le moment, c’est compliqué.. Quand on fait un service de 8h ou 9h et qu’on a seulement droit à 20 minutes de pause, ça fait de grosses journées. C’est bien simple: pour l’instant, on sait quand on part mais on ne sait jamais quand on va rentrer à cause des retards", poursuit-il.

Temps de pause

Les chauffeurs de bus ont légalement droit à 20 minutes de temps de pause par jour. A cela s’ajoute des temps de battement, c’est-à-dire des moments d’attente plus longs entre certains arrêts. Si tout se passe bien sur la route, certains temps de battement peuvent durer de 10 minutes à 1 heure. "Ces temps de régulation servent à anticiper d’éventuels retards, explique Thomas, l’autre chauffeur. Mais ici, avec le retard, il n’y a plus aucun temps de régulation. Ce qui fait qu’on n’a parfois droit qu’aux 20 minutes réglementaires sur toute la journée." Une situation qualifiée d’"invivable" par Fabian Quintiens. "On a régulièrement des réunions avec la direction car les problèmes sont nombreux. On travaille sur des mesures ponctuelles pour soulager le personnel par rapport à la charge de travail. Mais au niveau du trafic, c’est très compliqué. Il n’y a pas de solutions miracles malheureusement…", regrette le secrétaire régional CGSP.

Selon les deux syndicats interrogés, la direction du TEC Liège est tout à fait ouverte aux discussions mais trouver des solutions immédiates semblent compliqué. Tous espèrent une nette amélioration avec l’arrivée du tram… en 2023. "La situation est vraiment très compliquée, conçoit la porte-parole de la direction TEC Liège-Verviers. Mais il est difficile de trouver des solutions car on a des horaires qui sont établis et un horaire de bus, ça ne se change pas comme ça, cela demande des études." Les horaires sont en effet élaborés en fonction des heures de la journée et anticipés selon la circulation. Le temps de parcours entre un point A et un point B ne sera pas le même en heures de pointe qu’en heures creuses. "On ne peut pas changer l’horaire d’une septantaine de lignes pour deux mois difficiles face à des événements indépendants de notre volonté, c’est un travail absolument gigantesque. C’est d’ailleurs ce qui a été effectué pour préparer l’arrivée du tram. De façon à ce que l’horaire s’adapte à ce nouveau réseau", souligne Carine Zanella.

Le tram devrait améliorer la situation

Le fonctionnement du tram rejoindra en réalité la proposition formulée par notre chauffeur liégeois Thomas. La création de ce nouveau mode de déplacement devra venir absorber l’ensemble de la clientèle du TEC sur certains tronçons largement surchargés. "On a énormément de clients sur certains tronçons, c’est sur ces tronçons-là que le tram verra le jour. Chaque fois qu’un bus va rencontrer un arrêt de tram, il y aura des correspondances. On aura donc moins de bus dans le centre-ville, en tout cas par rapport aux lignes qui suivent les trajets du tram. Le TEC travaille sur une réorganisation du réseau avec pour objectif de rendre le trafic plus fluide grâce à l’arrivée du tram", insiste la porte-parole du TEC Liège-Verviers. Le tram – qui circulera quasiment tout le temps en sites propres – permettra ainsi plus de régularité pour les voyageurs et un meilleur confort pour les chauffeurs. "Le TEC reste, de façon permanente, attentif au fait de pouvoir avoir des bandes bus et des sites propres mais on ne sait pas élargir les rues. Notre objectif est de faire en sorte que les transports publics soient réguliers mais la configuration du terrain fait que parfois ce n’est pas possible", conclut-elle.

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