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Fanny n'a plus de nouvelles de ses 6 enfants retenus au Portugal par leur père anti-vaccin Covid: "Ils sont cachés quelque part"

Depuis plusieurs mois, Fanny ressent un manque immense. Sa maison semble vide, sans la présence de ses six enfants. Ils devaient rentrer en Belgique fin août, après avoir passé les vacances chez leur père au Portugal. Mais, farouchement opposé au vaccin contre le Covid, il refuse de les ramener. Même si Fanny a lancé toutes les procédures pour les récupérer, elle se sent impuissante face à ce rapt parental.

"Je suis une maman vide, désemparée, effrayée et déprimée". Ce sont les mots émouvants écrits par Fanny sur sa page Facebook le 24 août dernier. Cette habitante de Comines-Warneton, proche de la frontière française, est alors sans nouvelles de ses six enfants. Deux garçons qui viennent de fêter leurs 16 et 18 ans. Et quatre filles âgées de 9 à 13 ans.

Conformément au jugement de garde entériné en 2018, ils devaient revenir en Belgique une semaine avant la rentrée scolaire après avoir passé l’été chez leur père au Portugal. "Les enfants sont chez moi toute l’année, leur domicile est ici en Belgique. Le papa les prend pendant les vacances. Vu qu’il est parti vivre près de Porto, depuis 2018, le seul mode de garde possible, c’est celui-là", explique cette Française qui habite depuis une vingtaine d’années à Comines. C’est Renaud, son compagnon actuel, qui nous a prévenus via le bouton orange Alertez-nous.

Depuis leur séparation, Fanny et Patrick, qui est également originaire du Nord de la France, ont toujours eu des "petits conflits" au sujet de la garde des enfants, mais sans gravité. "Par exemple, il venait les chercher deux jours avant que l‘école s’achève à 3h du matin pour l’avion qui est moins cher", se souvient la maman de 44 ans.

Un père opposé au vaccin Covid 

Cette année, les garçons et les filles étaient censés rentrer le 20 août. Mais ce matin-là, Fanny reçoit un appel de son ex-mari. Une conversation inattendue. "Il m’a dit clairement qu’il ne me rendrait pas les enfants", confie Fanny. Totalement opposé au vaccin contre le Covid, Patrick évoque un danger mortel. "Comme ils ne sont pas vaccinés, il disait que c’était intolérable de les scolariser avec d’autres enfants vaccinés parce qu’apparemment, dans le vaccin, il y aurait une espèce de protéine qui serait toxique pour les non-vaccinés. Elle conduirait à une mort certaine sous deux ans", relate la maman.

En épluchant ses publications sur les réseaux sociaux, elle se rend compte que Patrick tient des propos "radicaux et complotistes". "Voilà dans quel climat vivent mes enfants ces derniers mois, bouleversés psychologiquement et apeurés", regrette Fanny, qui aujourd’hui se demande si ce n’est pas finalement une stratégie pour garder les enfants en les manipulant.

"Il a enlevé tout moyen de communication aux enfants"

Quand elle communique avec eux quelques heures plus tard par visioconférence, ils semblent déstabilisés. "Une de mes filles me disait: "Papa fait ça pour nous protéger, viens avec nous au Portugal". Mon fils cadet qui a 16 ans pensait vraiment qu’il allait être harcelé à l’école parce que Patrick a mis dans la tête des enfants qu’il y aurait une espèce de guerre entre les vaccinés et les non-vaccinés", regrette la quadragénaire.

Depuis ce jour-là, elle n’a plus aucune nouvelle d’eux. "Il a enlevé tout moyen de communication aux enfants. Je ne cesse de leur envoyer des messages, quasi tous les deux jours. Mais je n’ai pas de réponses. Avant, on communiquait beaucoup via les réseaux sociaux".

Photos des enfants publiées sur le compte Facebook de Fanny  


Une plainte déposée à la police et une procédure lancée auprès du SPF Justice

Dès le lendemain matin, Fanny se rend au commissariat pour porter plainte. Mais les policiers lui demandent de revenir en prenant un rendez-vous, une obligation en période de crise sanitaire. "J’y suis donc retournée le lundi 23 août dès 8h. Ils m’ont entendue, j’ai déposé plainte. Dans un premier temps, cela a été qualifié de non-respect du jugement de garde et, 48h après, le juge a requalifié les faits en enlèvement d’enfant. L’après-midi même j’ai rencontré mon avocate qui a fait les démarches pour lancer immédiatement la procédure de rapt international d’enfants. Tous les dossiers ont été faits", explique Fanny.

Le parquet de Tournai confirme qu’une enquête est en cours au niveau pénal, sans pouvoir donner plus de précisions en vertu du secret de l’instruction.

Son avocate a également entrepris les démarches nécessaires auprès de l’autorité centrale du SPF Justice, compétente dans notre pays pour les enlèvements internationaux d’enfants. "Quand l’enfant a été déplacé vers un pays signataire de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfant, le parent victime est invité à introduire une demande pour obtenir son retour", explique le SPF Justice.

Côté belge, toutes les démarches ont été effectuées pour permettre le retour des enfants

"Concrètement, la première chose à réaliser est de nous signaler un rapt parental en constituant un dossier avec les plus d’informations possibles, comme les noms, les adresses, des photos. Ensuite, nous faisons traduire ce dossier avant de l’envoyer à l’autorité compétente du pays étranger", ajoute le SPF Justice.

"Côté belge, toutes les démarches ont été effectuées pour permettre le retour des enfants. L’autorité centrale m’a confirmé avoir tout transmis aux autorités portugaises pour lancer les recherches sur place. Il a fallu plusieurs jours pour tout traduire, mais tout a été envoyé il y a plusieurs semaines", confirme Amélie Derycke, l’avocate de Fanny.

431 dossiers traités par Child Focus en 2020

"Comme le Portugal a signé la Convention de la Haye, pour leur bien-être, les enfants doivent revenir dans leur pays initial, où ils ont grandi, où ils vont à l’école et où ils ont des proches", commente Stephan Smets, porte-parole de Child Focus.

Selon lui, la fondation pour enfants disparus a traité 431 dossiers de rapt parental en 2020. 615 enfants étaient concernés. "En général, les enfants enlevés par un parent se retrouvent dans les pays limitrophes, comme la France, l’Allemagne, les Pays-Bas. En Pologne, c’est plus difficile de récupérer son enfant, surtout si c’est la mère qui l'a emmené", précise le porte-parole.

Le problème c'est que cette procédure prend énormément de temps car il faut tout traduire

Après la transmission du dossier aux autorités compétentes du pays étranger, la première étape est évidemment de localiser les enfants et le parent.

Pour le moment, aucune information ne filtre à ce sujet. Fanny n’a aucune nouvelle. Et ce mutisme est très douloureux. Son angoisse ne cesse de s’amplifier au fil des jours. "Visiblement, les parents de Patrick sont toujours dans leur grosse villa à Espino, mais mon ex-mari et les enfants n’y sont plus depuis fin août d’après la police locale", indique la maman qui se rattache aux maigres informations à sa disposition. "Le gros problème, c’est que cette procédure prend énormément de temps. Comme ils sont au Portugal, toutes les demandes, comme les requêtes du juge d’instruction, doivent être traduites en portugais. Et apparemment cela prend entre 8 et 10 jours. Donc, on a toujours un temps de retard. On ne s’en sortira jamais", regrette la quadragénaire.

"S’ils allaient à l’école, la police les aurait déjà trouvés"

Selon elle, les enfants ne sont pas scolarisés. "C’est certain. S’ils allaient à l’école, la police les aurait déjà trouvés. Ils sont cachés quelque part et c’est ça qui est dramatique pour nous ", souffle Fanny.

A mesure que le temps passe, son inquiétude et son incompréhension grandissent sans cesse. "Ils sont tellement proches de moi. Si vraiment ils pouvaient me faire un signe, ils le feraient. J’en suis certaine et c’est ça qui est encore plus traumatisant. Qu’est-ce qu’il leur fait faire ? Qu’est-ce qu’il leur dit ? Où sont-ils ? A mon avis, il ne les quitte pas d’une semelle", pense la mère de famille.

Aucune nouvelle depuis des jours: "C’est horrible, cette impuissance"

Et jusqu’à présent, rien ne permet d’atténuer son angoisse. Fanny n’a aucune nouvelle des autorités. Et ce mutisme est très douloureux pour elle. "C’est horrible, cette impuissance. Pourquoi la police, la justice ne viennent pas de temps en temps vers moi pour me donner des nouvelles ? Je ne sais pas ce qui se passe", regrette-t-elle.

"J’ai demandé à mon avocate si elle pouvait appeler le juge d’instruction pour avoir des nouvelles de l’enquête, mais elle m’a répondu qu’elle n’a pas le droit d’y avoir accès", indique Fanny.

"J’ai eu la confirmation que des recherches sont menées par la police portugaise. Il faut pouvoir les localiser. En tout cas, s’ils essaient de quitter le pays en avion, ils seront bloqués. Je n’ai pas plus d’informations à ce stade puisqu’il y a le secret de l’instruction. Ils ne communiqueront que lorsqu’il y aura quelque chose de concret. Je comprends que c’est atroce pour une maman de ne pas savoir", réagit Maître Derycke.

Seules les autorités nationales du pays où se trouve l’enfant peuvent autoriser l’exécution d’un retour forcé

Et son attente risque encore d’être longue. Après avoir localisé les enfants et Patrick, ce dernier sera auditionné par la police locale. On lui demandera alors de ramener volontairement les enfants en Belgique. S’il refuse, la deuxième étape est entamée : celle de la procédure judiciaire. "Seules les autorités nationales du pays où se trouve l’enfant peuvent autoriser l’exécution d’un retour forcé", précise le SPF Justice.

"Même si le juge tranche pour un retour, pour mes garçons, ce ne sera possible car ils ont plus de 15 ans", souligne Fanny.

Si Patrick s’obstine à refuser le retour des enfants, le juge portugais peut ordonner l’exécution forcée, éventuellement en recourant aux forces de l’ordre. "Tout cela est encadré, notamment par des psychologues, pour que l’expérience soit la moins traumatisante possible pour les enfants", assure le SPF Justice.

"En moyenne, cela prend 2 ans avant qu’un dossier aboutisse"

En tout cas, ce genre de procédures prend du temps généralement avant d’aboutir à une issue positive. "En moyenne, cela prend 2 ans avant qu’un dossier aboutisse, qu’un accord soit trouvé avec une décision d’un juge. Et c’est un soulagement quand un cas aboutit avec le retour des enfants", souligne le porte-parole de Child Focus.

Une perspective temporelle inimaginable pour Fanny, épaulée par son compagnon et ses proches. "Mes enfants ont leur vie ici : leurs copains, leurs activités sportives, leurs écoles depuis toujours. Si vous saviez le nombre de copains, de copines qui viennent vers moi chaque jour. Les profs, tout le monde. Les enfants leur manquent aussi. C’est un petit village très familial. Tout le monde se connait et moi je ne passe pas inaperçue avec mes six enfants et maintenant sept avec mon bébé de 17 mois", confie la quadragénaire.

Pour la première fois, elle n’a pas pu fêter l’anniversaire de plusieurs de ses enfants. Fanny a dû se limiter à la publication d’une photo avec un message d’amour sur les réseaux sociaux.

Privée de la joie de vivre de ses garçons et de ses filles, elle ressent un vide immense. "C’est tellement long", souffle-t-elle avec émotion.

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