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La loi qui réprime les offenses au Roi viole la liberté d'expression, selon la Cour constitutionnelle

La loi qui réprime les offenses envers le Roi n'est pas constitutionnelle, a jugé la Cour constitutionnelle. Dans un arrêté rendu ce jeudi sur la base d'une question préjudicielle posée par la chambre des mises en accusation de Gand. Elle a estimé que l'article 1er de la loi du 6 avril 1847 violait la liberté d'expression.

La disposition de 1847 réprime les offenses envers le Roi d'une peine de prison particulièrement lourde, à savoir de six mois à trois ans de prison. Cela est en principe contraire à la liberté d'expression lorsque la peine est infligée en raison d'opinions exprimées dans le cadre d'un débat politique ou d'un débat sur des matières d'intérêt général, indique la Cour dans un communiqué.

En outre, cette disposition protège la réputation du Roi plus largement que celle des autres personnes. Selon la Cour, la disposition ne répond pas à un besoin social impérieux et elle est disproportionnée à l'objectif de protéger la réputation de la personne du Roi.

Une décision prise suite à une affaire espagnole

L'affaire sur laquelle la juridiction gantoise doit se prononcer ne concerne pas directement la Belgique mais l'Espagne et un rappeur exilé dans la région de Gand. Josep Miquel Arenas Beltran, alias Valtonyc, a été condamné pour "injure à la Couronne d'Espagne" ainsi que pour "apologie du terrorisme" en 2017. "Qu'ils aient peur comme un garde civil au Pays Basque" ou "le roi a un rendez-vous sur la place du village une corde autour du cou", avait notamment rappé Valtonyc en catalan dans les chansons qui lui ont valu sa condamnation.

Il a fui vers la Belgique début 2018 après la confirmation de ce jugement en cassation. L'Espagne a émis un mandat d'arrêt européen contre lui. En mars 2020, Valtonyc et ses conseils avaient déjà remporté une première victoire devant la Cour de justice européenne. Pour exécuter le mandat, la chambre des mises en accusation doit examiner la condition de la double incrimination selon laquelle l'exécution d'un mandat d'arrêt européen doit être refusée si le fait qui est à la base de celui-ci ne constitue pas une infraction en droit belge. Or, celle-ci a constaté que l'outrage et les injures graves envers le Roi étaient punissables en Belgique. Pour s'assurer de la constitutionnalité de la loi, très ancienne, et de sa compatibilité avec la Convention européenne des droits de l'homme, elle a interrogé la Cour constitutionnelle.

Les objectifs consistant à garantir l'inviolabilité du Roi ne sauraient justifier que la réputation du Roi soit protégée plus largement

La Cour a notamment considéré le champ d'application très large de la loi belge puisque le terme "offense" est interprété de façon large: il couvre tous les propos qui portent atteinte à l'honneur ou à la réputation du Roi ou qui expriment une irrévérence à l'égard du Roi avec une certaine publicité. En outre, l'infraction ne requiert pas d'intention de méchanceté. "Une infraction commise dans le domaine du discours politique n'est admissible que dans des circonstances exceptionnelles", souligne la Cour. "De même, les objectifs consistant à garantir l'inviolabilité du Roi et la stabilité du système constitutionnel ne sauraient justifier que la réputation du Roi soit protégée plus largement que celle des autres personnes".

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