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En citytrip en Flandre, Pierre et son épouse s’étonnent de devoir payer 12 euros de taxe de "séjour": "Où va cet argent ?"

Vous l’avez peut-être déjà remarqué sur votre note lors d’un séjour à l’hôtel : une taxe de quelques euros facturée par nuitée, y compris lors de vacances en Belgique. Qui bénéficie de cet argent et à quoi sert-il ? Explications.

Au retour d’un citytrip en Flandre, Pierre, un habitant d’Oupeye, nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. Avec son épouse Phorndao, il a notamment séjourné à Gand et Bruges, deux villes touristiques et pour chaque nuit, le couple a dû s’acquitter d’une taxe de séjour : 3 euros par personne. Notre témoin s’interroge sur cette pratique : "Que l'on fasse payer une taxe de séjour aux étrangers visitant le pays, pourquoi pas. Mais pour les citoyens résidant en Belgique et qui payent déjà leurs taxes : Non". Il demande donc: "Où va cet argent et comment est-il utilisé ? Car ce sont des millions d'euros qui rentrent dans les caisses mais pour qui et pourquoi?".

Avant de répondre à ces questions, nous allons d’abord expliquer en quoi consiste ce prélèvement. Il s’agit d’une taxe qui est due par les exploitants d’hébergements touristiques. Mathieu Lambert, conseiller à l’Union des Villes et Communes de Wallonie nous éclaire : "On la rencontre dans les communes les plus touristiques du pays. C’est une manière de financer la commune, comme les autres taxes communales".

Les communes bénéficient de l’autonomie fiscale, ça veut dire qu’elles décident effectivement des taxes qu’elles instaurent ou non et des taux, des montants appliqués à celles-ci, sous le contrôle de l’autorité de tutelle, c’est-à-dire en Wallonie, la Région wallonne. "Les communes sont libres. Rien n’impose aux communes de lever cette taxe, mais rien ne les en empêche non plus", précise Mathieu Lambert.

Le principe: les communes sont libres, sauf à Bruxelles

Il y a deux façons de procéder, soit une taxe par nuitée et par personne, soit une taxe annuelle forfaitaire par lit. Les communes ont le choix de l’un ou l’autre mécanisme. Et dans certaines communes parfois, ce choix est laissé aux exploitants d’hébergements touristiques.

Les communes sont également libres de fixer le montant de la taxe. L’autorité de tutelle fait des recommandations en la matière. Le taux maximum recommandé est de 1 euro 30 par personne et par nuitée, ou 180 euros par lit, s’il s’agit d’une taxe annuelle forfaitaire.

En Flandre, l’existence d’une telle taxe se décide aussi au niveau local. A Bruxelles, le système est différent et plus simple, estime Rodolphe Van Weyenbergh, le Secrétaire général de la Brussels Hotels Association : "Avant, on avait à peu près une dizaine ou une quinzaine de taxes différentes en fonction de chaque commune. Maintenant, c’est harmonisé au niveau de la Région et c’est une taxe plutôt compétitive au niveau européen et surtout proportionnelle à l’activité". C’est-à-dire que le taxe est due par chambre occupée, dans l’ancien système, certaines communes récupéraient la taxe, également pour les chambres vides.

La taxe en Région bruxelloise est de 4 euros, hors TVA, par chambre occupée (et non par personne). A titre de comparaison, à Paris, la taxe peut aller de 0,25 euro pour une nuit en camping, à 5 euros pour un palace. Aux Pays-Bas, la capitale, Amsterdam, réclame 7 % du prix de la chambre, augmenté de 3 euros par personne.

Est-ce qu’il est logique d’instaurer une telle taxe ?

Pour Mathieu Lambert, oui: "Les exploitants d’hébergements touristiques contribuent aux finances locales dans la commune où ils sont établis, comme n’importe quel autre indépendant ou commerçant qui a une activité économique sur le territoire de la commune".

John Mathieux, directeur de l’hôtel de luxe The Royal Snail, situé en bord de Meuse à Namur, partage cet avis : "Il nous semble normal que des personnes extérieures à la ville participent également aux frais des infrastructures". Mais il nuance : "Dans les conditions actuelles, il faudrait peut-être repenser un peu au montant de cette taxe. Cela représente quand même un montant non négligeable sur l’ensemble des réservations sur une période d’un an". A Namur, le taxe est fixée à 1 euro 25 par adulte et par jour.

Un montant que certains établissements n'hésitent pas à arrondir à 1 euro 30, 1 euro 50. Un rapide passage en revue des sites de réservation d’hôtels confirme cette pratique.

Est-ce normal de payer cette taxe dans son propre pays ?

Notre témoin s'étonne de la pratique : "Que les étrangers qui viennent visiter notre pays doivent payer une taxe, à la rigueur, je ne suis pas contre. Mais pourquoi nous, qui payons déjà des taxes en Belgique ?". Mathieu Lambert de l’Union des Villes et Communes de Wallonie estime qu’il s’agit d’une question d’égalité. "Les exploitants d’hébergements touristiques dans la plupart des communes belges se voient imposer cette taxe, il paraît assez logique qu’ils la répercutent sur tous leurs clients. Il serait discriminatoire de ne la répercuter que sur certains clients".

Le directeur de l’hôtel The Royal Snail souligne que certains clients sont parfois surpris par cette taxe : "On prend le temps de leur expliquer en quelques mots, en quoi ça consiste. Le montant est quand même relativement correct par rapport à un séjour complet ici à Namur, donc cela ne pose pas énormément de soucis".

Combien cette taxe rapporte-elle aux communes ?

C’est très variable d’une commune à l’autre, puisque ça dépend du nombre et du taux de remplissage des hébergements touristiques. Il est donc difficile de faire des généralisations, mais on peut donner quelques exemples. A Mons, la taxe est de 3 euros par personne et par nuitée. Avant la crise en 2019, on estimait qu’elle rapportait un demi million par an à la ville.

Dans la capitale, les recettes s’élevaient approximativement à 25 millions d’euros par an, ici aussi avant la pandémie qui a donné un coup de frein au tourisme.

Les recettes de certaines communes sont évidemment beaucoup plus modestes, ce sera le cas de Braine-le-Comte qui instaure une taxe de séjour sur son territoire, à compter de cette année. La directrice financière faisant fonction, Carole Louis, explique qu’il s’agit de prendre de nouvelles mesures, notamment suite à la crise covid. La taxe est fixée à un forfait de 100 euros par lit, par an. "D’après nos calculs, cela reviendrait à environ 17.000 euros par an de recettes complémentaires et ce n’est pas négligeable", analyse-t-elle.

Ce qui a alimenté la décision de Braine-le-Comte? Il y a évidemment la pandémie qui a inspiré plus de Belges à partir en vacances en Belgique et les taxes imposées  dans les villes voisines de Soignies ou de La Louvière.

A quoi sert cet argent ?

La taxe est réclamée par la commune (ou la Région à Bruxelles), sur base des déclarations rentrées par les établissements. Les exploitants d’hébergements touristiques la prélèvent auprès des clients et reversent le montant à la commune.

En théorie, les communes affectent prioritairement les recettes à développer des infrastructures, des équipements ou des politiques en lien avec le tourisme. Mais, rien ne les y oblige légalement.

Rodolphe Van Weyenbergh, le secrétaire général de la Brussels Hotels Association, loue les investissements réalisés par la Région bruxelloise dans le tourisme. "Mais c’est évident que nous souhaitons encore renforcer ces investissements, notamment par rapport à la relance touristique, dont on aura besoin après la pandémie". C’est presque du donnant, donnant. "Plus la destination est attractive, plus y aura de touristes et donc plus de taxes et de recettes, c’est un cercle vertueux", pointe-t-il.

Rodolphe Van Weyenbergh rappelle aussi que tous les hébergements touristiques sout soumis à cette taxe, y compris les logements proposés via certaines plateformes. "Mais cette taxe est-elle réellement perçue auprès d’eux ?", s’interroge le représentant des hôtels bruxellois, qui dénonce à demi-mot "une forme de concurrence déloyale".

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