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Pour se reproduire, l'éléphant de mer doit grossir, au risque d'en mourir

Le choix est cornélien: pour avoir une chance de se reproduire l'éléphant de mer mâle doit absolument grossir, pour dominer ses congénères et prendre la tête d'un harem, mais cet impératif le pousse dans des zones de pêche aussi riches que dangereuses, selon une étude publiée mercredi.

Impossible de confondre un mâle et une femelle chez cette espèce de pinnipède (éléphants de mer, phoques, morses, otaries...). Par la masse imposante du premier, qui dépasse allègrement la tonne et demie, trois fois celle de la femelle. Sans parler de son appendice nasal, une sorte de trompe épaisse qui lui vaut son nom de pachyderme marin.

Ce dimorphisme sexuel se traduit par un mode d'alimentation radicalement différent, et une équipe de scientifiques californiens, menée par la professeure Sarah Kienle, de l'Université texane Baylor, pense savoir pourquoi.

"La stratégie de recherche de nourriture des éléphants de mer représente un compromis entre sa récompense et le risque de mortalité", selon l'étude parue dans Royal Society Open Science.

Tout commence à terre, dans une baie, où les colonies d'éléphants de mer du Pacifique nord s'articulent en harems, "variant de quelques femelles jusqu'à 40 ou 50, mené par un mâle alpha, avec quelques autres mâles bêta à la marge", explique à l'AFP le Pr Kienle.

C'est "un des systèmes de reproduction les plus compétitifs de la planète", notent les auteurs de l'étude, qui ont analysé les données d'une colonie californienne de 39 mâles et 178 femelles sur dix ans. "Seul un petit pourcentage de mâles, les plus gros et plus dominants, s'accouplent avec les femelles", selon le Pr Kienle.

La fenêtre de tir est courte, de un à trois mois par an, quand la colonie se forme à partir de décembre pour la reproduction. Le reste de l'année est dévolu à une longue expédition de pêche en mer, interrompue par un court séjour pour la mue.

- Combats de sumos -

A terre, les mâles s'engagent dans une série de confrontations, vocales et posturales, et au besoin dans une lutte de sumos accompagnée de morsures, qui détermine leur hiérarchie.

Le poids de l'animal est déterminant pour gagner le rôle de dominant, puis le maintenir pendant la saison de reproduction, au cours de laquelle il ne peut s'alimenter et où il peut espérer s'accoupler jusqu'à plus d'une cinquantaine de fois.

"Il y a une pression énorme sur les mâles pour grossir, le plus vite possible, afin d'être compétitifs pour ces rares chances de se reproduire", explique le Pr Kienle.

Les femelles ont une contrainte différente. Mettant bas une fois par un ou deux ans, leur priorité est de durer, pour procréer au maximum.

Ces deux traits spécifiques à chaque sexe se traduisent par des stratégies de recherche de nourriture diamétralement différentes.

Les femelles s'aventurent jusqu'à mille kilomètres du plateau continental Pacifique, privilégiant les fonds océaniques, jusqu'à -500 ou -600 m, pour se repaître de poissons et calamars.

Elles délaissent la zone de nourriture des mâles, située en bordure du plateau continental, et à bien plus faible profondeur, en moyenne -230 m. Une zone avec "une forte concentration de proies", selon l'étude, à base de poissons, céphalopodes et petits requins.

Un adulte mâle d'environ une tonne y gagnera ainsi la moitié de son poids pendant la campagne. Un gain jusqu'à six fois supérieur à celui des femelles, mais non sans conséquence sur son espérance de vie.

"Les mâles ont six fois plus de risque de mourir durant leurs quêtes alimentaires en mer que les femelles", selon les observations.

Même si la cause principale de mortalité reste à investiguer, la Pr Kienle fait "l'hypothèse que la prédation explique le taux de mortalité plus élevé des mâles, car ils se nourrissent dans des zones prisées par leurs prédateurs": le requin blanc et l'orque.

Ce qui réduit d'autant la population de mâles aptes à se reproduire. Sans changer grand chose au bout du compte, puisqu'un très petit nombre d'entre eux perpétue l'espèce, de toutes façons.

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