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Naziha n'a pas vu ses enfants depuis 5 ans, leur père les a enlevés à Dubaï: "Jamais, je n'aurais imaginé que c'était la dernière fois que je les voyais"

Ils s’appellent Ibrahim et Nohe. Et Naziha ne les a plus vus depuis 5 ans. Cette mère de deux garçons est privée de ses enfants par leur père, qui les retient à Dubaï. Elle a obtenu la garde de ses enfants en justice mais malgré toutes ses démarches, son ex-compagnon refuse de coopérer. Et pour l’instant, il est impossible de faire appliquer la loi. Naziha se sent démunie et nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous.

Naziha a 19 ans lorsqu'elle celui qui deviendra par la suite le père de ses enfants. En 2005, ils s'unissent. Quatre ans plus tard, naît leur premier enfant, un petit garçon prénommé Nohe. À cette époque, le couple mène une vie tranquille. Mais rapidement, Naziha déchante. Son mari lui parle de Dubaï et de nouveaux défis professionnels. Nohe n'a que 3 mois et est hospitalisé suite à des problèmes de santé. "De ses trois mois à ses 6 mois, j'étais très angoissée. Je devais gérer ces problèmes de santé", se rappelle-t-elle. Pour la jeune maman, pas question de s'exiler. "Il m'a dit qu'il partait pour 20 jours. Mais finalement, il n'est jamais revenu", souffle-t-elle. 

Pendant plusieurs mois, Naziha multiplie les allers-retours entre Dubaï et Bruxelles avant de prendre la décision de s'installer aux Émirats arabes unis. "Je ne revenais en Belgique que l'été pour voir ma famille", nous confie-t-elle. 7.000 kms la séparent désormais des siens et Naziha mène une vie très solitaire. Elle ne travaille pas et s'occupe de son petit Nohe. Deux ans plus tard, naît son deuxième enfant, prénommé Ibrahim. "J'ai accouché à Dubaï car il a refusé que je vienne accoucher en Belgique", assure-t-elle. Les journées passent et se ressemblent et la mère de famille se sent désormais piégée. D'autant plus qu'elle commence à craindre pour sa sécurité et celle de ses enfants. "J'ai appris qu'il était recherché parce qu'il devait de l'argent", affirme-t-elle.

En décembre 2016, il lui annonce qu'il part 20 jours pour un voyage au Maroc. Pour Naziha, c'en est trop. La fuite, l'abandon, le mensonge et la manipulation. Selon elle, le scénario se répète. Elle décide d'y mettre un terme. Après 6 mois passée seule à Dubaï avec ses enfants, elle annonce son choix de divorcer, et quitter ainsi ce qu'elle décrit comme étant "une prison dorée". 

Naziha nous assure que son ex-mari s'est, à ce moment-là, montré compréhensif et à l'écoute. "Il me disait 'On n'a pas réussi notre mariage mais on va réussir notre divorce'", rapporte-t-elle. Avec ses enfants, elle rentre alors en Belgique. Elle retrouve sa famille et pense alors que le pire est derrière elle. Elle entame les démarches de scolarisation de Nohe et Ibrahim. Là encore, elle affirme que son ex-mari se montre très appliqué. "Il a même appelé le directeur pour avoir des renseignements sur l'école", se rappelle-t-elle.

J'ai eu l'impression d'être prise et jetée du 40e étage

Naziha entame les démarches judiciaires pour le divorce et obtenir la garde de ses enfants mais elle est freinée par les vacances estivales, selon elle. Elle parvient à obtenir un rendez-vous pour septembre. Entre temps, son ex-mari lui demande de voir ses enfants. Ne souhaitant pas les priver de leur père, elle les envoie durant un mois à Dubaï. "Ce qui me tenait à cœur, c'est que les enfants soient préservés psychologiquement", confie-t-elle. 

Tous deux partent seuls et rejoignent leur père pour ce qui n'est censé être que des vacances. "Un billet aller-retour est pris : du 21 juillet au 28 août 2017", rapporte Naziha. Pour le cadet, ce départ est un déchirement. Malgré sa crise de larmes, la maman le laisse partir, aux côtés de son frère. Naziha se félicite de respecter ainsi sa promesse faite à son ex-mari. Mais Naziha ne reverra jamais Nohe et Ibrahim. "Jamais, je n'aurais imaginé que c'était la dernière fois que je les voyais", souffle-t-elle. 

Au début du séjour, cette maman a des nouvelles de ses enfants quotidiennement par téléphone. Pendant ce temps, elle prépare leur arrivée. "Une semaine avant le retour, elle me dit qu'ils ont des soucis dentaires. Il me dit qu'il faut prolonger le voyage de 3 jours. Je me dis 'Pas de problème'", explique-t-elle. La veille de cette "opération", Naziha ne parvient pas à joindre son ex-mari. "Je commence à stresser. J'appelle le cabinet dentaire et je leur demande ce qu'il se passe. Et on me dit 'Vos enfants sont venus pour une consultation. Et voilà... ", confie-t-elle. À ce moment-là, la maman comprend que son ex-mari lui a menti. De nombreuses interrogations la traversent. "Je n'ai rien compris. J'ai eu l'impression d'être prise et jetée du 40e étage", affirme-t-elle. 

Le 5 septembre 2017, je porte plainte à la police

Durant les jours qui suivent, elle multiplie les appels, les messages. Sans succès. "Le 5 septembre 2017, je porte plainte à la police. La procédure de divorce à l'amiable n'a finalement jamais été entamée puisqu'on a dû entamer une procédure d'enlèvement d'enfant", assure Naziha. En septembre, elle est contactée par son aîné qui lui explique que c'est à elle de revenir à Dubaï et qu'aucune autre issue n'est possible. Pendant les premières années, Naziha échange avec eux par téléphone. Mais depuis plus d'un an, pas de nouvelles. "Je garde l'espoir des les revoir bientôt et de récupérer le temps perdu", souffle-t-elle. 

La justice belge a accordé la garde exclusive à Naziha. Un mandat d'arrêt international par défaut a également été émis envers son ex-mari le 11 septembre 2018. "Si Monsieur entre en Europe, il sera arrêté", nous explique maître Hamid El Abouti, avocat au Barreau de Bruxelles. Désormais, un procès correctionnel est attendu. 

Désormais, Naziha va continuer son combat auprès des instances à Dubaï. Sur les réseaux sociaux et via une cagnotte en ligne, elle tente de recueillir la somme nécessaire à couvrir ses démarches juridiques. 

Sur le plan judiciaire, la situation dont Naziha a été victime est un rapt parental. "Cela signifie le déplacement d'un enfant vers un pays étranger sans l'accord de son coparent", nous explique Catherine de Bouyalski, avocate spécialisée en droit familial et international. Malgré son obtention de la garde exclusive et la délivrance d'un mandat international, les enfants de Naziha se trouvent toujours à Dubaï.

Cela s'explique notamment par le fait que les Émirats arabes unis n’ont pas signé la Convention de La Haye, qui a pour objectif de favoriser la collaboration entre les états concernant l’enlèvement des enfants. Concrètement, la Convention de La Haye protège les enfants et leurs familles contre les risques d’adoption à l’étranger illégale, irrégulière, prématurée ou mal préparée. "Il n'y a pas tout le cadre légal qui permet l'organisation des retours comme ça existe avec d'autres États", éclaire l'avocate. Selon elle, lorsque toutes les démarches judiciaires ont été entreprises, les seules options possibles sont le recours aux voies diplomatiques. 

En 2020, 430 dossiers étaient ouverts. Les pays vers lesquels les enfants sont le plus fréquemment emmenés demeurent majoritairement européens. Les 5 pays étrangers vers lesquels les enfants sont le plus souvent emmenés sont la France, l’Espagne, les Pays-Bas, le Maroc, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, et la Russie. Selon Child Focus, plusieurs sentiments peuvent motiver cet enlèvement d'un enfant par un parent : nostalgie d'un pays d'origine, des difficultés d'intégration ou encore l'opposition à une décision judiciaire. Ces rapts parentaux concernent autant les pères que les mères.

MISE À JOUR 9 MAI :

Suite à la diffusion de notre reportage le 1er mai, l’ex-mari de Naziha, Y. A., a tenu à livrer sa version des faits par le biais de son avocat, Me Christophe Marchand.

Il réfute les accusations d’enlèvement de ses enfants. Selon lui, c’est Naziha qui, en quittant Dubaï en mai 2017 s’est rendue coupable d’un tel acte. “Du jour au lendemain, Madame a pris les enfants et les a emmenés en Belgique”, rapporte Me Christophe Marchand. Selon l’ex-mari de Naziha, les conditions de vie se sont ensuite révélées nettement différentes. 

Me Marchand nous confirme qu’après les discussions entre les ex-époux, il a été convenu que les enfants passent l’été qui suit à Dubaï. Au départ, il est bien question de vacances. Arrivée l’heure du retour, les enfants auraient exprimé leur souhait de rester auprès de leur père, selon les dires de son avocat. “Il fait alors une procédure qui l’autorise à garder les enfants”, résume Me Christophe Marchand. De son côté, Naziha obtient ce même droit auprès de la justice belge. Dans ce dossier, les procédures sont complexes et les deux pays parviennent donc à des décisions contradictoires.

Puis, au fil de l’avancée des procédures judiciaires, les relations entre les deux ex-époux se sont envenimées, explique l’avocat. L’ex-mari de Naziha l’accuse de mensonges dans des déclarations faites auprès de la police et des juges. Suite à cela, il a donc pris la décision de “limiter très fortement les interactions avec les enfants”

Maître Marchand assure que la volonté de l’ex-mari de Naziha est que leurs enfants soient heureux et grandissent dans un climat serein. Suite à la délivrance d’un mandat d’arrêt, Me Marchand nous explique en avoir demandé son annulation. Le but serait de lui permettre de venir défendre ses droits devant la justice belge. “Nous sommes dans une situation où nous souhaitons trouver des solutions”, assure Me Marchand. 

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