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Harcèlement moral à France Télécom: des peines alourdies requises au procès en appel

Le ministère public a demandé vendredi à la cour d'appel de Paris de légèrement alourdir les peines infligées en première instance à d'anciens dirigeants de France Télécom, pour harcèlement moral institutionnel, après une série de suicides de salariés dans les années 2000.

L'ancien PDG du groupe de 2005 à 2010, Didier Lombard, et son ancien numéro deux Louis-Pierre Wenès avaient été condamnés en 2019 à un an d'emprisonnement dont huit mois avec sursis et 15.000 euros d'amende. Le ministère public a requis vendredi une peine d'un an de prison dont six mois avec sursis et une amende du même montant.

Le ministère public a demandé, comme en première instance, qu'ils soient seulement condamnés pour la période 2007-2008 et relaxés pour les faits postérieurs à celle-ci.

Six mois d'emprisonnement avec sursis et 10.000 euros d'amende ont par ailleurs été demandés à l'encontre de quatre anciens responsables, qui comparaissent pour complicité.

Selon l'accusation, MM. Lombard et Wenès ont "conçu et mis en place" une politique de "harcèlement moral industriel, collectif et méthodique", au moyen de "méthodes interdites", qui a entraîné une "dégradation des conditions de travail" de "milliers de salariés", dont certains se sont suicidés.

Pendant l'audience, les cas de 39 employés ont été examinés: 19 ont mis fin à leurs jours, 12 ont tenté de le faire et huit ont connu un épisode de dépression ou un arrêt de travail sur la période 2007-2010.

Les deux anciennes têtes de l'entreprise - devenue Orange en 2013 - ont "mis à l'oeuvre leur savoir, leur expérience et leur talent de capitaines d'industrie au détriment des intérêts des agents de France Télécom qu'ils avaient le devoir de protéger", a cinglé, au bout d'un réquisitoire de sept heures, la substitute générale Valérie De Saint-Félix.

- "Coûte que coûte" -

Selon l'accusation, le but était d'obtenir, via le plan Next présenté en 2006, le départ de 22.000 employés et la mobilité de 10.000 autres, sans procéder à des licenciements économiques ni mettre en place un plan de sauvegarde économique, afin de faire face aux transformations technologiques et une féroce concurrence.

Un objectif de déflation massive des effectifs que la direction de l'entreprise privatisée en 2004 "savait irréalisable" sans "harcèlement moral", a estimé l'avocat général Yves Micolet.

Elle l'a pourtant maintenu, a-t-il appuyé, "coûte que coûte" jusqu'à l'été 2009 et l'éclatement de la crise au grand jour. Et ceci malgré la "casse" provoquée chez les employés et les nombreuses alertes, lancées dès fin 2006, notamment par la médecine du travail et des syndicats.

Incitations au départ, surcharge de travail, mise au placard, manoeuvres d'intimidation, contrôle excessif et intrusif, mobilités géographiques ou fonctionnelles: le ministère public a rappelé l'ensemble de l'éventail utilisé pour inciter au départ les employés jugés indésirables, dès lors "placés en instabilité permanente" et "isolés".

Cette nouvelle politique de ressources humaines a été, toujours selon l'avocat général, fixée "en haut de façon quasi militaire et déclinée à tous les niveaux de hiérarchie".

"Les managers ont été harcelés et sont devenus harceleurs", ils ont été formés à "harceler de façon scientifique" et incités financièrement à obtenir le plus de départs possible.

- La "légende" de M. Lombard -

Au sommet de cette chaîne, selon l'accusation: M. Lombard. Pendant le procès, l'ancien PDG, 80 ans, s'est réfugié derrière ses hautes fonctions, éloignées du terrain, pour se dédouaner de toute responsabilité.

"Une légende tout à fait fausse: non seulement M. Lombard donnait les instructions, mais il était parfaitement informé des remontées" et alertes émises, a affirmé l'avocat général.

Quant à M. Wenès, selon l'accusation, il "adhérait aux propositions de M. Lombard sans formuler le moindre reproche".

Les deux dirigeants formaient "un triumvirat" avec l'ancien DRH Olivier Barberot, condamné à la même peine en première instance et qui s'est désisté de l'appel initialement interjeté.

Première entreprise du CAC 40 condamnée pour un "harcèlement moral" institutionnel, France Télécom, devenue à la fin des années 2000 le symbole de la souffrance au travail, n'avait, elle, pas fait appel du jugement qui l'avait sanctionnée de l'amende maximum, 75.000 euros.

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