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La France face à une sécheresse "historique": plus de 100 communes n'ont plus d'eau potable

"Plus d'une centaine de communes en France aujourd'hui n'ont plus d'eau potable", a indiqué vendredi le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, qui a qualifié la situation d'"historique", lors d'une visite dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Dans ces communes, a précisé le ministre, "il y a des approvisionnements qui se font avec des camions d'eau potable qu'on achemine (...) puisqu'il n'y a plus rien dans les canalisations". "Tout l'enjeu c'est de durcir un certain nombre de restrictions pour éviter d'en arriver là". "Les mots d'Elisabeth Borne sont très clairs: une sécheresse historique", a martelé le ministre, en déplacement à Roumoules, au coeur d'une exploitation de lavande.

Vendredi matin, la Première ministre a activé la cellule interministérielle de crise qui doit se réunir dans la journée, face à la "situation historique que traversent de nombreux territoires", a annoncé Matignon.

M. Béchu a appelé, dans les territoires qui connaissent "des déficits hydriques qui se prolongent", à "anticiper": "si vous devez aller fournir de l'eau, il faut pas vous en préoccuper le matin où y'a plus d'eau dans les canalisations".

"La difficulté en termes de logistique et d'acheminement n'est pas la même" selon les communes, a souligné le ministre, selon qu'il s'agisse d'une commune de montagne, d'une grande ou d'une petite agglomération.

La liste précise des communes concernées n'était pas disponibles dans l'immédiat, a-t-on appris auprès du ministère de la transition écologique. "C'est précisément l'objet de la cellule interministérielle de crise, qui demandera aux préfets une remontée systématique des ruptures d'approvisionnement en eau potable des communes via les préfectures", a-t-on précisé.

Après l'exploitation de lavande de Roumoules, Christian Béchu devait se rendre, en compagnie du ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, sur le cours d'eau du Colostre, pour évoquer les enjeux de la sécheresse et de la biodiversité.

Les cultures à sec

Plus d'eau au robinet dans une centaine de communes en France, des récoltes détruites faute d'arrosage, une biodiversité en danger: interpellé sur tous les fronts de cette sécheresse historique, le gouvernement ne cache plus sa préoccupation.

Sur le plateau de Valensole, où les ministres de la Transition écologique et de l'Agriculture se sont rendus vendredi, la lavande qui fait sa réputation a été ramassée, mais de gros embobineurs de tuyaux d'arrosages sont disposés régulièrement sur les bords des champs.

Thomas Raso, jeune maraîcher à Lagrand, dans les Hautes-Alpes, est venu au devant du ministre avec un plateau de tomates "au cul noir", une maladie liée à des problèmes hydriques, pour l'alerter sur les conséquences de la sécheresse dans sa profession. "Avant on savait résister à une ou deux années de sécheresse, plus maintenant", pointe le jeune maraîcher.

"Les retenues collinaires ne serviront pas, ce ne sont pas elles qui vont faire pleuvoir", souligne Yannick Becker, propriétaire d'un élevage équin et maraîcher, porte-parole de la Confédération paysanne PACA. "Même le lac de Sainte-Croix", où doivent se rendre les ministres, et le Lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes) "se vident", souligne-t-il.

Face à eux, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu plaide pour "la nécessité d'accélérer les transitions". Son homologue de l'Agriculture, Marc Fesneau, note: "Il y a des systèmes de culture qui sont plus résilients compte tenu du changement climatique, mais faire croire qu'il n'y aura pas besoin d'eau, ce serait une erreur assez tragique".

"Imaginez la situation dans laquelle nous serions aujourd'hui dans cette région s'il n'y avait pas un certain nombre de système de retenues d'eau créées il y a 40, 50 ou 60 ans", a-t-il relevé, avant de visiter, justement, un barrage à Sainte-Croix du Verdon.

M. Béchu, tout en arguant pour une "diminution des usages" a reconnu que il peut y en avoir "dans lesquels les retenues peuvent être la solution".

"Le risque ce serait qu'on se dise : 'ce n'est pas grave', pour continuer comme avant et ne pas réinterroger nos pratiques, on a qu'à trouver des méthodes alternatives pour ne pas manquer d'eau. Et ça c'est mentir aux gens", a-t-il déclaré.

Des restrictions dans la plupart des départements

93 départements en France métropolitaine sur 96 font déjà l'objet de restrictions d'eau à différents degrés et 66, soit environ les deux-tiers du pays, sont "en crise".

Depuis jeudi, l'Ain, la Manche, le Bas-Rhin et l'Yonne sont passés en crise.

Dans ce niveau d'alerte le plus élevé, l'arrosage des pelouses, des véhicules ou encore l'irrigation des cultures sont interdits, tout comme le remplissage des plans d'eau.

Partage de l'eau

Juillet 2022 a été le deuxième mois le plus sec jamais enregistré en France, après mars 1961, avec un déficit de précipitations d'environ 84% par rapport aux normales de la période 1991-2020.

"On est sur un événement majeur, qui se compare sans difficulté à 1976 ou 2003", commentait Jean-Michel Soubeyroux, climatologue à Météo-France. Avec en outre une "situation de sécheresse record pour l'humidité des sols depuis le 17 juillet au niveau national".

Des secteurs essentiels sont durement touchés, comme l'agriculture, que ce soit le maïs destiné à l'alimentation animale, très gourmand en eau, ou le manque de pâturage pour le bétail.

La question du partage des usages de l'eau agite la classe politique. La députée LFI Mathilde Panot a revendiqué sur Twitter un droit à l'eau "inscrit dans la Constitution": "l'eau doit d'abord aller à la vie plutôt qu'aux profits!".

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