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Immigration : le tour de chauffe agité de Darmanin

A peine sorti de la polémique sur le Stade de France, Gérald Darmanin laboure depuis le début de l'été le terrain de l'immigration, préparant le débat annoncé à l'automne, quitte à essuyer quelques revers.

Le chaos de la finale de la Ligue des champions fin mai, qu'il avait imputé à tort aux seuls supporters anglais, aurait pu fragiliser les grandes ambitions du ministre de l'Intérieur.

Mais la séquence, que la majorité présidentielle a traînée comme un boulet tout au long de la campagne des législatives, se solde finalement en juin par sa confortable élection dans le Nord et un portefeuille élargi début juillet aux Outre-mer, une première depuis dix ans.

Gérald Darmanin bénéficie même, quelques jours plus tard, d'un non-lieu - attendu - dans l'enquête pour viol qui le vise depuis 2017.

L'orage passé, il impose dans l'opinion le thème de l'immigration au moment où le ministre de l'Economie Bruno le Maire, l'un de ses rivaux désignés pour la course à l'Elysée en 2027, attrape la lumière avec l'examen du projet de loi sur le pouvoir d'achat.

Dans un premier entretien accordé au Monde, le 9 juillet, le ministre de l'Intérieur annonce sa volonté de supprimer les verrous qui empêchent l'expulsion des étrangers condamnés par la justice, avant d'assumer, plus tard sur BFMTV, "une forme de double peine".

- Texte reporté -

"Il a le côté très Sarko de +j'ai confiance et puis j'y vais et on verra+", expliquait au printemps à l'AFP un cadre de la majorité, juste avant le remaniement. Puis d'ajouter : "Il est très cyclique. C'est quand il est dans une phase de très grande confiance qu'il est le plus en danger".

Au risque de se prendre les pieds dans le tapis.

Le 24 juillet, il annonce sur Twitter l'arrestation d'un "délinquant étranger" après l'agression de policiers à Lyon, "totalement mis hors de cause" dans la foulée par le parquet.

L'offensive se poursuit deux jours plus tard, sur RTL, avec l'annonce d'un projet de loi immigration "à la rentrée de septembre".

Le 29 juillet, il signe lui-même l'arrêté d'expulsion de l'imam Hassan Iquioussen, accusé d'avoir tenu des propos antisémites, sexistes, homophobes et complotistes, remontant pour certains à plus de 20 ans et qui n'ont jamais fait l'objet d'une condamnation pénale.

Il a finalement dû rentrer dans le rang : la Première ministre Elisabeth Borne lui a imposé un "grand débat" sur l'immigration en , repoussant de facto l'examen du texte, et le tribunal administratif de Paris a ordonné la suspension de l'expulsion du prédicateur.

Concernant l'imam, l'issue de son recours devant le Conseil d'Etat - qui doit l'examiner le 26 août - pourrait renforcer ou affaiblir sa position, selon la décision des magistrats, à l'orée de la rentrée.

- "Obsédé" par 2027 -

Son activisme pourrait-il gêner le gouvernement ? "Je ne pense pas, répond à l'AFP le politologue Bruno Cautrès, chercheur CNRS au CEVIPOF. On le laisse faire, parce qu'on sait que c'est son thème, son style, que les Français l'identifient comme ça, quitte à temporiser si le pas de côté devient trop important par rapport à la ligne".

Du côté des oppositions, l'agitation et les déconvenues du ministre suscitent critiques et sarcasmes.

"Frustré de ne pas exister (...) lorsqu'on parle de pouvoir d'achat", Gérald Darmanin "sature les ondes médiatiques avec un discours sécuritaire et répressif", dénonce le député de La France insoumise David Guiraud .

A droite, le député LR Aurélien Pradié cingle un ministre qui "a toujours cette facilité à montrer ses muscles et au final à reculer".

"Gérald Darmanin est obsédé par sa carrière et le fait de se positionner pour 2027, c'est ça son projet", ironise la députée Nupes-EELV Sandrine Rousseau. "Il utilise l'immigration et la sécurité pour faire en sorte qu'en 2027 il soit incontournable", donc "qu'on ralentisse ses ambitions ne me semble pas être un problème majeur", a-t-elle ajouté.

Quand on l'interroge sur ses envies d'Elysée, l'ex-LR botte en touche : "avant l'heure, c'est pas l'heure", répète Gérald Darmanin, revendiquant sans cesse le "bon sens populaire" de sa grand-mère.

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