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Au procès de l'attentat de Nice, fin des plaidoiries des parties civiles

Et maintenant "que justice soit faite !", lance l'avocate Valentine Juttner, l'une des dernières avocates des parties civiles à plaider jeudi au procès de l'attentat de Nice avant les réquisitions du parquet national antiterroriste (Pnat) attendues mardi.

"Que justice soit faite ! Ça ne ramènera pas nos morts. Mais ce sera peut-être la lumière tant attendue au bout du tunnel", veut croire la jeune avocate niçoise au terme d'une audience où de nombreux avocats de parties civiles avaient du mal à dissimuler leur émotion. "On l'a fait", dit une avocate en pleurs en quittant la salle d'audience.

Le procès qui s'est ouvert le 5 septembre entre dans la dernière ligne droite. Laurent Raviot, le président de la cour d'assises spéciale, a suspendu l'audience en début d'après-midi jusqu'à mardi, jour des réquisitions.

Depuis le 23 novembre, une centaine d'avocats des victimes et des endeuillés (sur les quelque 150 représentants les 2.500 parties civiles constituées) ont plaidé devant la cour où sont jugés huit personnes, dont trois pour association de malfaiteurs terroriste (AMT).

L'attentat commis au camion-bélier par le Tunisien Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, abattu par la police au terme de sa course meurtrière à bord d'un camion-bélier de 19 tonnes, a fait 86 morts dont quinze enfants et plus de 450 blessés, le 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais.

"Comment s’habituer à ces chiffres ?", se demande Me Juttner avant d'évoquer les "milliers de vies brisées" par ricochet à la suite de l'attentat.

"Revenir vers les vivants quand on a vu son enfant, son ami, son mari, son frère, son père ou sa mère mourir, ou quand on sait les circonstances dans lesquelles ils sont morts, n’est ni effaçable, ni acceptable, ni compréhensible", soutient l'avocate.

- "Vivre avec ce vide" -

Le procès qui s'achève - le verdict est attendu le 13 décembre - n’apportera pas aux parties civiles toutes les réponses qu’elles attendaient, ont reconnu les avocats des parties civiles ces dernières semaines.

Dans le box des accusés, "il n’y a personne pour répondre de l’acte criminel. Il nous faut vivre avec ce vide" et "consentir à la limite qui s'impose à la justice des hommes", a rappelé Me Sylvie Topaloff en soulignant qu'aucun des accusés n'est poursuivi pour complicité avec le tueur.

Pour autant, pointe l'avocate, l'attentat de Nice "n’est pas une affaire de loup solitaire. D’ailleurs, il n’y a jamais de loup totalement solitaire".

S'il n'y a pas de complices dans le box, certains accusés se sont contredits au fil de leurs déclarations. "Le mensonge ce n’est pas un délit, c’est même un droit", dit l'avocate. "Mais, poursuit-elle, dans cette affaire, le mensonge s’est diffusé de partout, même là où il n’avait aucun sens. Le coût de cette stratégie est lourd. Les victimes se sont senties blessées, offensées par ces mensonges".

A la fin de l'audience, des avocats se succèdent pour lire des mots prononcés par les plus de 260 endeuillés, rescapés ou proches de victimes qui sont venus témoigner à la barre du 20 septembre au 21 octobre.

Une avocate lit la lettre d'un homme qui a perdu son fils âgé de 10 ans le soir de l'attentat.

"Relater les faits de l’assassinat de mon fils unique, Romain, âgé de 10 ans, devant la cour ou les médias, ne m’aurait apporté ni réconfort ni mon fils. Sachez simplement que, le 14 juillet 2016, avant de descendre admirer le feu d’artifice, Romain chantait la Marseillaise sous la douche. A seulement 10 ans, et avec toute son innocence, il avait pleinement conscience de son appartenance à la société française et faisait confiance au monde qui l’entourait", écrit ce père endeuillé.

Dans la salle, exceptionnellement pleine, les yeux sont rougis. Fait exceptionnel, des parties civiles applaudissent la fin de la plaidoirie de l'avocat de l'Association française des victimes du terrorisme (AFVT), Me Antoine Casubolo-Ferro. Il faudra plusieurs secondes pour que le président Raviot réagisse en demandant: "Pas d'applaudissements".

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