Accueil Actu

"Les messages sur Facebook coûteront désormais 0,37 cent": le plus grand réseau social au monde va-t-il vraiment devenir payant?

Vous allez le voir dans cet article: il n'y a aucune chance que Facebook – ou même Google – ne fasse un jour payer l'utilisation de ses services en ligne. Et pourtant, comme pour Hotmail il y a 10 ans, des gens continuent de croire à des "messages en chaîne" annonçant que le réseau social deviendra bientôt payant… "sauf s'ils transfèrent ce message à 18 contacts".

Vous êtes nombreux depuis quelques jours à faire parvenir à la rédaction de RTL info un message aperçu sur Facebook Messenger, la messagerie instantanée, et qui évoquerait un passage imminent en mode "payant" du plus grand réseau social numérique au monde.

"Est-il vrai que Facebook va devenir payant ?", se demande Myriam, en ce début d'année. Elle se base sur "une nouvelle chaîne de messages sur Messenger, soi-disant issue de Mark (Zuckerberg)", et qui "est en train de se répandre comme une traînée de poudre".

Tout ceci est bien entendu une vaste blague, même si certains semblent y croire. "Est-ce un nouveau virus ou autre? Ou bien est-ce la réalité? Car cela a toujours été dit que Facebook resterait gratuit et si le patron décide de faire payer les messages, je ne trouve pas ça très honnête de sa part", nous a écrit Sabine. 

D'autres sont plus sceptiques et Cécile cite carrément une source... policière. "La personne qui me l'a envoyé ce matin détient l'info d'un policier... ce qui légitimise plus le message. Cependant, même si les conditions d'utilisation de Facebook ne sont pas idéales et que tout évolue, ce message a pour moi une aura de fake. Quel est le but réel, créer un mouvement de panique, d'indignation pour donner de la substance à mâcher sur le réseau social ? Une manoeuvre marketing pour faire parler de l'outil: mieux vaut en parler négativement que pas du tout ? Maintenant tout est possible... Pourquoi ne pas prêcher le faux (à courte échéance) pour préparer le terrain à moyen ou long terme?"

Un message complètement absurde

Dans ce message absurde qui émanerait du fondateur et actuel dirigeant de Facebook, on y apprend en substance que via une mise-à-jour, Facebook – ou son service de messagerie Facebook Messenger - va devenir payant ("0,37 cent par message"). Et que pour continuer à l'utiliser gratuitement, il faut transférer ce message "à 18 contacts". 

Il s'agit bien entendu d'une vieille rumeur, que l'on croyait oubliée tellement elle est grotesque. Il y a dix ans, ce genre de message "en chaîne" (à transférer à tous vos contacts) circulait pour Hotmail, l'un des premiers webmail gratuit. Depuis quelques années, c'est sur Facebook. Mais c'est toujours aussi faux.

Un message qui n'est pas bien méchant, cependant: au pire, vous répandez une fausse rumeur, mais pas des logiciels malveillants ou des tentatives d'escroquerie, comme c'est plus souvent le cas.

Comment Facebook gagne-t-il de l'argent ?

Facebook, WhatsApp, Twitter, Instagram, Gmail: tous ces services en ligne et applications, devenus incontournables au fil des ans, ne seront plus que probablement jamais payants pour l'utilisateur.

C'est une question de 'modèle économique'. Avec l'avènement du numérique, les entreprises ont dû revoir leur copie pour adapter leur manière de gagner de l'argent, parfois de manière brutale. Pensez à la différence entre l'iTunes d'Apple (on payait 0,99€ ou 9,99€ pour acheter et posséder une chanson ou un film il y a 10 ans) et Spotify ou Netflix (on paie désormais 10€/mois pour avoir le droit d'écouter une chanson ou de regarder un film).

Les réseaux sociaux et les services en ligne ont également opté pour un nouveau genre de modèle économique: offrir un tas de fonctionnalités à l'utilisateur et se payer grâce à la publicité très ciblée et donc plus efficace. C'est un peu comme le quotidien gratuit Metro que vous prenez à la gare le matin.

Facebook gagne également de l'argent quand les pages d'entreprise veulent "booster" leur publication. Ce n'est pas vraiment de la publicité: prenons le cas de RTL info et de ses 600.000 abonnés. Facebook nous propose régulièrement de dépenser de l'argent pour qu'un article que l'on y publie s'affiche sur un certain nombre de profils de manière artificielle ; au lieu de laisser faire ses algorithmes qui, en fonction du nombre de 'like' et de partages, affichent plus ou moins notre publication chez les abonnés. Mauvaise nouvelle (pour les entreprises): Facebook a tendance à brider de plus en plus l'affichage naturel des publications dites commerciales, se dirigeant sans doute vers un modèle de plus en plus payant. 

Ce modèle économique est diablement efficace. Et il s'avère tellement rentable que Facebook et Google peuvent se permettre d'améliorer sans cesse leurs produits existants, et d'en proposer des nouveaux (pensez à Google Street View, Facebook Live, etc).

A priori, on se dit que tout le monde est gagnant. L'utilisateur ne doit jamais rien payer pour accéder à un tas de fonctionnalités en ligne, de la plus futile (mettre des oreilles de chat sur un filtre Instagram) à la plus utile (rédiger des documents et faire des présentations avec les outils Google Docs ou Google Slides). Facebook gagne très bien sa vie grâce à la publicité. Les entreprises ciblent davantage leurs clients potentiels. 

Facebook vous connait tellement bien - en analysant votre comportement, les pages que vous aimez, les groupes que vous suivez, les commentaires que vous laissez, le contenu que vous partagez - qu'il peut cibler parfaitement ses utilisateurs en fonction de leurs centres d'intérêt.

Deux bémols et une précision

Mais il y a deux bémols. Le premier, c'est la situation de quasi monopole qui ne fait que s'accentuer. En gros, Google et Facebook (qui possède également Instagram) accaparent à eux deux l'écrasante majorité des revenus publicitaires que les entreprises investissent en ligne, et ce à l'échelle mondiale. C'est un cercle vicieux: il faut beaucoup d'utilisateur pour que ce modèle économique soit rentable. Plus on a des utilisateurs, plus les annonceurs se bousculent. Logique. Mais plus on a d'argent, plus on est performant et plus on développe de nouvelles fonctionnalités qui attirent ou fidélisent les utilisateurs. Corolaire inquiétant: il est pratiquement impossible (ou très rare) de voir apparaître un nouveau réseau social, un nouveau moteur de recherche qui puisse gagner assez d'argent que pour être aussi performant, aussi fiable, aussi évolutif.

L'autre bémol, c'est la fin de votre vie privée. Facebook et Google, pour continuer avec ces deux mastodontes, attirent les annonceurs et font grimper les enchères des publicités car ils sont très performants quand il s'agit de cibler les clients potentiels. Exemple simplifié à l'extrême: Facebook garantit à Disney que sa publicité pour le dernier Star Wars ne va s'afficher que sur les murs d'actualité des hommes à tendance geek, âgés entre 15 et 40 ans. En effet, Facebook vous connait tellement bien - en analysant votre comportement, les pages que vous aimez, les groupes que vous suivez, les commentaires que vous laissez, le contenu que vous partagez - qu'il peut cibler parfaitement ses utilisateurs en fonction de leurs centres d'intérêt. Vous pourriez donc voir une publicité qu'un autre utilisateur, du même âge/genre/origine, ne verra jamais. La moitié des utilisateurs de Facebook ignorent que leur vie privée a pris fin quand ils ont commencé à utiliser Facebook. L'autre moitié le sait, s'en indigne, mais continue à utiliser un 'service' qui a su rendre pratiquement indispensable…

Pour être tout-à-fait complet, ajoutons que certains services sont à la fois performants, gratuits et sans publicité. C'est le cas de WhatsApp, par exemple. Mais le service de messagerie instantanée très populaire appartient à Facebook, qui accepte donc de consacrer de l'argent à la maintenance de cet outil, qui lui garantit que cette importante masse d'utilisateurs ne va pas filer chez Google, par exemple. Il existe d'autres exemples, comme Snapchat à ses débuts : l'entreprise lève des fonds, investit des sommes colossales pour se développer rapidement, dans l'espoir d'attirer des annonceurs. Parfois, elle n'a pas encore gagné le moindre dollar qu'elle en a déjà dépensé des millions. Et parfois – une start-up sur deux en moyenne, rappelons-le – c'est la banqueroute avant la gloire, et les investisseurs ont perdu pas mal d'argent.

Conclusion

Non, ni Facebook, ni Facebook Messenger, ne vont devenir payants dans les prochains jours, et ne le seront sans doute jamais, pour toutes les raisons qu'on vient d'évoquer. Le cas de Facebook s'applique à d'autres géants du web comme Google.

C'est une bonne et mauvaise nouvelle. La bonne, c'est que vous ne dépensez pas un euro pour accéder à un tas de service et de fonctionnalités, et que ceux-ci vont continuer à se développer, se multiplier.

La mauvaise, c'est qu'en échange des innombrables informations sur votre profil et votre comportement que vous donnez à Facebook ou Google, vous recevez des publicités de plus en ciblées, de plus en plus nombreuses. Et qui sont plus à même de vous faire dépenser de l'argent, pour cette paire de chaussure qui se rappelle à votre bon souvenir sur tous vos écrans… Mais c'est comme ça que se paient Facebook et Google, et ça rapporte plus qu'un 'abonnement' qui continuera visiblement longtemps d'alimenter des rumeurs. 

À lire aussi

Sélectionné pour vous