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"J'ai reçu un SMS bizarre d'Electrabel": ce n'est pas une arnaque, mais une dette du client qui est… vendue

Il arrive à tout le monde de recevoir des rappels de paiement. Quand ils s'accumulent – et c'est souvent le cas avec des fournisseurs d'énergie qui réclament parfois plusieurs centaines d'euros – c'est la galère pour tout le monde. Certaines entreprises comme Electrabel décident alors de sous-traiter ces dettes. Et cela a surpris deux clientes, qui ont même cru qu'il s'agissait d'une arnaque.

Chaque semaine ou presque, nous racontons les histoires plus ou moins graves de Wallons qui se font arnaquer sur internet ou par téléphone, afin d'éviter que d'autres tombent dans le piège.

Une fois n'est pas coutume, dans le cas de Monica et Anna, il ne s'agit pas d'une escroquerie, mais d'une pratique de certains fournisseurs de service méconnue du grand public: le recouvrement de dettes par une société tierce.

"J'ai reçu un SMS assez bizarre d'Electrabel - je pense qu'il s'agit d'une arnaque", nous a écrit Monica en janvier dernier. "Je vous écris afin de signaler ce qui semble à mes yeux une énorme arnaque. J'ai été contactée par SMS soit disant pour un montant de plus de 900€ de factures impayées", a écrit pour sa part Anna, au même moment.

Cet argent, le géant belgo-européen de l'électricité le leur réclame bel et bien. Explications.

Un SMS en néerlandais

Deux témoins ont contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous, en janvier, pour nous faire part de leur étonnement à la réception de ce SMS en néerlandais :

Beste, Zoals vermeld in onze brief, heeft U nog een betalingsachterstand van ? 188,91 in dossier 800XXX379677 - N.V. ELECTRABEL NV. Gelieve uw betaling uit te voeren op rekeningnummer BE88 4070 5002 8141 met mededeling +++800XXX379677+++ Bij vragen kan u ons contacteren op 09/298.26.02. Alvast bedankt, Vesting Finance.

En français: "Cher client. Comme indiqué dans notre courrier, vous êtes en retard de paiement d'un montant de 188,91€ dans le dossier 800XXX379677 – Electrabel S.A. Veuillez effectuer le paiement sur le compte BE88 4070 5002 8141 avec la communication +++800XXX379677+++. En cas de questions, vous pouvez nous contacter au 09/298.26.02. Merci d'avance, Vesting Finance".

Les deux témoins nous ont affirmé qu'ils n'avaient, à leur connaissance, aucune dette envers Engie/Electrabel. Il y avait dès lors tout lieu de croire qu'il s'agissait d'une arnaque, d'une tentative d'escroquerie par SMS, plutôt originale et un peu risquée (vu que le compte en banque est belge, voir plus bas).

Quand le service clientèle estime que c'est nécessaire, on vend des créances à une société de recouvrement

Electrabel: "On vend des créances"

Après vérification auprès d'Electrabel, nous avons dû revoir notre jugement. Car le fournisseur d'électricité a investigué par rapport au SMS que nous lui avons montré, et sa conclusion est claire: "Ce n'est pas une fraude, il ne s'agit pas de phishing", cette méthode bien connue des prestataires de service, quand des escrocs se font passer pour eux afin d'arnaquer des clients.

En réalité, des fournisseurs comme Electrabel (mais d'autres le font sans doute) font parfois appel à des sociétés externes pour récupérer des factures impayées. Ça explique que les numéros de compte et de téléphone sont différents, comme l'a remarqué Anna: "J'ai vérifié les données communiquées dans le SMS et celles d'une précédente facture: ça ne correspond pas du tout". Logique.

Comment fonctionne la procédure de recouvrement, qui n'a rien de nouveau, par ailleurs ? Quand des clients ont des arriérés qui s'accumulent, "on envoie d'abord plusieurs rappels, mais quand le service clientèle estime que c'est nécessaire, on vend des créances à une société de recouvrement", nous a précisé le porte-parole d'Engie/Electrabel.

C'est là qu'intervient Vesting Finance. Il s'agit d'une société tout-à-fait en règle, basée à Gand et dépendante d'une entreprise plus grande (Arrow Global, Royaume-Uni). Le groupe est spécialisé dans le rachat de dettes, ou dit plus joliment sur son site, "l'achat et la gestion de portefeuille de crédits".

Pour faire simple: un client a une dette de 100€ envers Electrabel. Au lieu de s'ennuyer avec des huissiers et des actions en justice lourdes à gérer, Electrabel vend cette dette à Vesting Finance (pour une somme inférieure à 100€, forcément) dont le métier est précisément de récupérer des impayés. Vesting Finance met alors en place ses procédures qu'on imagine graduelles (du simple SMS à l'intervention de la justice ou d'un huissier) - ce qui a un coût, forcément.

Electrabel nous a précisé par ailleurs que "les clients sont informés préalablement" lorsque cette procédure de recouvrement est mise en place.

Monica vient de déménager

Monica, que nous avons contactée, nous a expliqué qu'elle venait de déménager. Il est donc possible qu'elle ait oublié de solder son compte client auprès d'Electrabel en quittant son ancien domicile, et/ou qu'elle n'ait pas reçu assez rapidement les avis de paiement et les rappels.

Rappelez-vous donc qu'il faut obligatoirement prévenir vos fournisseurs d'eau, de gaz ou d'électricité (tout ce qui a un compteur) quand vous déménagez. Ils ne laisseront pas tomber la dernière facture ou le solde impayé, vous en avez désormais la preuve...

Quant aux moyens de communication utilisés par Electrabel dans le cadre de sa facturation traditionnelle, ils sont multiples. Par défaut, la société "envoie des factures et des rappels, par écrit pour par email". Parfois, "mais jamais sans l'accord du client", elle "envoie des SMS pour dire qu'un paiement arrive à échéance ou qu'une domiciliation a lieu".


Une arnaque avec un compte en banque belge: "C'est possible, il y a des mules financières"

On l'a compris, les SMS reçus par Monica et Anna ne sont pas des arnaques. C'est une mauvaise nouvelle pour elles (qui avaient visiblement une dette envers Electrabel), mais une bonne pour le citoyen: il ne s'agit d'une énième forme d'escroquerie en ligne ou par téléphone/SMS.

Une arnaque qui aurait semblé assez risquée, de prime abord, car l'argent demandé doit être versé sur un compte en banque belge. Or il est toujours lié à une carte d'identité ou à une entreprise/une institution ; à une personne physique ou une personne morale. On peut donc en identifier assez facilement le titulaire.

L'escroc ne pourrait-il donc pas être démasqué en quelques secondes ? "En théorie, oui, il y a une traçabilité", nous a expliqué Rodolphe de Pierpont, porte-parole de Febelfin, la fédération belge des institutions financières.

"Mais on voit de plus en plus souvent apparaître en matière de criminalité l'utilisation d'homme de paille, de mule financière", précise-t-il. Febelfin a d'ailleurs rédigé récemment une publication sur son site à ce sujet.

Une mule financière, c'est "quelqu'un qu'on va payer, souvent des jeunes recrutés via les réseaux sociaux, ou des désœuvrés, des SDF, des personnes financièrement inattaquables ; on leur dit d'ouvrir un compte normalement, avec une carte d'identité… tout le monde peut le faire".

Ensuite, ce numéro de compte est utilisé pour recevoir et "blanchir" l'argent. "Dès que les sommes arrivent, le titulaire du compte a pour consigne de transférer l'argent vers des contrées plus exotiques, généralement en dehors de l'Union européenne. Parfois, les escrocs prennent la carte et vont retirer l'argent en cash, mais c'est plus rare".

Techniquement, il est toujours possible de tracer l'argent et d'identifier les intermédiaires. Mais comme dans la plupart des petites arnaques que nous évoquons, les sommes ne sont pas assez importantes pour qu'un magistrat confie une enquête à une équipe de policiers belges.

Pourtant, comme le rappelle la Febelfin évoquant une campagne européenne menée par Europol au sujet des mules financières, celles-ci sont "passibles de poursuites pénales et encourent une amende ou une peine d'emprisonnement" car "elles font partie, parfois de manière inconsciente, de l'opération financière criminelle".

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