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Lola a payé 500€ pour changer son prénom mais maintenant elle hésite à reprendre l'ancien: "Je pensais pouvoir faire table rase du passé"

La demande de Lola lui paraissait simple: changer de prénom en faisant disparaître celui attribué à sa naissance. Mais à en croire le récit de cette mère de famille, loin de la libérer de son ancienne appellation, sa démarche lui aura apporté une série de tracas. "Je me demande même si je ne vais pas faire marche arrière", songe-t-elle.

"Si c’était à refaire, je ne le referais pas", tranche Lola, anciennement prénommée Isabelle (ces deux prénoms ont été modifiés pour préserver l’anonymat de notre témoin, ndlr). Il y a quelques années, cette Carolo a changé de prénom. "Je l’ai fait après mûre réflexion, c’était important pour moi, nous explique cette mère de famille après nous avoir écrit via notre bouton orange Alertez-nous. Mais depuis, quel calvaire!". En effet, Lola vit mal le fait que son ancien prénom soit toujours visible sur les actes civils. “J’ai tout de même payé près de 500€, comptabilise-t-elle. A ce prix-là, je pensais pouvoir faire table rase du passé et je me demande bien à quoi ils servent...”

Alors à quoi sert ce montant et qu’offre la loi permettant de changer de prénom(s)? RTLinfo fait le point.


La somme couvre les droits d’enregistrement

Tout commence en septembre 2012, lorsque Lola (alors encore prénommée Isabelle) décide de franchir le cap. En effet, la loi le permet. "Le changement de nom et / ou de prénom(s) volontaire n’est pas un droit mais une simple faveur accordée respectivement par arrêté royal ou ministériel", peut-on lire sur le site du ministère de la Justice.

Renseignements pris, Lola introduit donc une demande de changement de prénom auprès du ministère. "Ma demande a été acceptée et les frais s'élevaient à 490€", explique la mère de famille. En effet, la procédure a un coût. "Cette somme couvre les droits d’enregistrement qui sont fixés par la loi fiscale", éclaire Christine-Laura Kouassi, porte-parole du ministère de la Justice. Néanmoins, dans certains cas, les frais peuvent être réduits: par exemple, si le prénom à changer est désuet, suscite des moqueries ou la confusion, notamment. Le prix est alors de 49€.


Lola s’attendait à ce son ancien prénom disparaisse à jamais: “Ce n’est pas possible”

Après quelques mois d’attente (la procédure dure entre 3 et 6 mois, selon les estimations du SPF Justice), Isabelle devient donc officiellement "Lola". Problème? "Mon ancien prénom ne s’efface pas totalement, constate Lola. Sur les documents civils, il continue d’apparaître. Par exemple, sur l’instance de divorce, alors que le changement a été fait, mon ancien prénom est visible via une mention spéciale". Cette mention, appelée "note marginale", est en effet visible sur les actes de l’état civil, comme le montre l’acte de naissance de l'un des enfants de Lola, ci-dessous. Une situation difficile à accepter pour Lola, qui pensait que son ancien prénom allait entièrement disparaître et qu’il n’en serait plus jamais fait mention nulle part.




"Quelque part, même si on change de prénom, cette démarche n’efface pas la vie d’avant", observe Lola,... à juste titre. Car ce n’est pas ce que prévoit la loi permettant un changement de prénom. Par ailleurs, si le prénom ne disparaît pas tout à fait, c’est pour des raisons évidente d’ordre public. "Il n’est pas possible de masquer l’historique des prénoms successivement portés, explique Christine-Laura Kouassi. L’état civil est une matière d’ordre public et le maintien de l’ordre public, la sécurité juridique et l’information des autorités publiques exigent qu’il soit possible d’établir l’identité successive des personnes". En effet, comment savoir que Lola était bien Isabelle si toute mention de son ancien prénom disparaît?


Lola est incommodée par le fait de devoir expliquer son changement de prénom au guichet

Sur la carte d’identité mise à jour de Lola, seul son nouveau prénom apparaît. Idem sur son passeport. "Le public au sens large et les relations sociales n’ont généralement pas connaissance des anciens prénoms qui ne figurent pas sur les documents d’identité, ajoute la porte-parole du SPF Justice. Le changement de nom, à la différence du changement de prénom(s), est néanmoins publié au Moniteur belge".

Et pourtant, Lola se plaint de devoir toujours "tout réexpliquer" lorsqu’elle se retrouve devant un guichet. "Quand j’ai déménagé en France, j’ai dû expliquer que j’avais changé de prénom car la personne au guichet n’en était pas informée et trouvait la situation confuse, se souvient-elle. Une fois, les contributions ont refusé durant un temps de me verser un montant dû sur mon compte car mon prénom en tant que contribuable avait changé d'une année à l'autre. Tout cela représente de longues minutes au téléphone, ou alors à devoir faire la file aux guichets. J’ai dû réexpliquer 4, 5, 6 fois la même histoire car on ne tombe jamais sur la même personne. C’est pesant".


"Il suffit de montrer l’acte authentique de changement de prénom pour que tout rentre dans l’ordre"

Au SPF Justice, on n’a pas le même son de cloche. "Le registre national des personnes physiques mentionne l’historique et la date de prise de cours du changement de prénoms mais en aucun cas sur les documents d’identité administratifs (carte d’identité, passeport…). En pratique, les autorités administratives, de police ou judiciaire ont connaissance de l’historique des prénoms par les registres qu’ils peuvent consulter et aucune difficulté ne survient".

L’administration reçoit-elle des plaintes de personnes confuses après leur changement de prénom? "Parmi les très nombreuses personnes qui changent de prénom chaque année (1.041 autorisations délivrées en 2017, ndlr), pratiquement aucune difficulté n’est portée à la connaissance du SPF Justice, affirme Christine-Laura Kouassi. Les très rares cas concernent des personnes qui ont deux ou plusieurs nationalités et/ou résident à l’étranger et rencontrent des difficultés de reconnaissance du changement intervenu en Belgique. Les difficultés se résolvent le plus souvent par un simple renvoi aux termes de la loi et la production des preuves utiles". L’administration rappelle donc qu’en cas de souci ou de confusion, il suffit d’apporter la preuve de l’identité de personne en montrant "l’acte de transcription de l’autorisation de changer de prénoms qui constitue un acte authentique et met en évidence l’historique des prénoms".


"Vais-je faire marche arrière?"

Au yeux de Lola, son changement de prénom n’a donc pas rempli le rôle qu’elle espérait. "Ce que je voulais, c’est ne plus jamais entendre mon ancien prénom dans la bouche de qui que ce soit, affirme-t-elle. Or, mon ancien prénom me suit à la trace. Je ne supporte plus de le voir sur ces documents. J’ai payé 500€ et ça ne s’éteint pas".

La demande de Lola est-elle inadéquate par rapport à ce que la loi offre comme possibilités au citoyen belge? Quoi qu’il en soit, Lola réfléchit à tout annuler, quitte à payer les frais une deuxième fois. “Oui, j’envisage de revenir en arrière", dit-elle. Mais est-ce possible? "Le principe de base en la matière est la fixité des nom et prénoms afin d’assurer l’identification des personnes, l’ordre public et la sécurité juridique, entame la porte-parole du SPF Justice. Une seconde demande de changement de nom "inverse" ne pourra que très exceptionnellement aboutir étant donné les conditions plus strictes posées par la loi, tandis qu’une seconde demande de changement de prénoms devra reposer sur des motifs admissibles et ne pourra pas bénéficier d’une réduction du droit d’enregistrement de 490 EUR fixé par la loi".

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