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Un Bruxellois se dit victime d’aliénation parentale: "J’ai un enfant totalement fermé que je ne vois plus depuis 5 mois à cause de sa mère"

Renaud estime être victime de l’"aliénation parentale" de son fils de 15 ans. Son ex-femme serait en train de le manipuler pour qu’il rejette son père sans que ce ne soit justifié. Il faut toutefois apporter des nuances à ce terme controversé. Et surtout rappeler que la première victime de cette situation est l’enfant.

"Depuis le mois de septembre, je suis devenu de la peste noire pour mon fils qui s’est totalement refermé et qui est même devenu une arme que la mère tient braquée contre moi", décrit amèrement, en des mots durs, Renaud. Exaspéré, ce Bruxellois nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous pour dénoncer une situation qui le ronge depuis près de trois ans.

"Je suis fatigué… j'ai des jugements qui me donnent raison, l’hébergement principal, l'autorité parentale exclusive et pas d'enfant. Cela fait cinq mois que je ne l’ai plus vu", déplore, cœur serré, le père de famille.

Ce trentenaire estime que son fils, âgé de 15 ans, est "victime d’aliénation parentale". Avant d’expliquer ce concept psychologique, revenons sur l’origine de cette situation, malheureusement banale: une séparation conflictuelle source de tensions.

Nous n’allons pas entrer dans les détails de ce conflit parental, compliqué comme souvent. Cela nécessiterait des vérifications poussées auprès de chaque partie concernée. Nous nous limiterons donc aux faits importants et pertinents.


"L’enfant se sent manipulé et étouffé par le conflit parental"

"La maman et moi, nous nous sommes séparés en 2004. Mon gamin avait deux ans. Il n’y a pas eu de souci directement. C’est plus tard, en 2015, quand il a commencé à grandir, que c’est devenu infernal. À l’époque, mon fils me racontait le rejet de sa maman et me demandait lui-même de l’aide. S’il n’allait pas dans son sens, elle le rejetait. Il avait 12 ans", affirme le trentenaire qui alerte alors le Service d’Aide à la Jeunesse (SAJ). Mais, selon lui, son ex-compagne refuse toutefois toute conciliation.

Elle décide plutôt d’entamer un procès devant le tribunal de la famille de Bruxelles pour se voir attribuer l’hébergement principal de l’enfant, en raison d’un déménagement. Jusqu’à ce moment-là, l’hébergement était alterné et égalitaire."À la suite d’une très longue et usante procédure, je finirai par demander une expertise psychologique pour prouver l’influence négative de la mère sur l’enfant. Une pression maternelle de plus en plus dingue", indique Renaud, qui demande aussi l’hébergement principal.

Après six mois d’expertise, la psychologue chargée par le tribunal de réaliser un rapport complet souligne que l’adolescent ne va pas bien."Il se sent manipulé et étouffé par le conflit parental. Il se retrouve malgré lui dans une situation où il ne peut plus être naturellement loyal à ses deux parents c’est-à-dire qu’il ne peut plus être loyal à l’un sans être naturellement déloyal à l’autre", écrit-elle dans son expertise.

En juillet 2017, la justice finira par confier l’autorité parentale exclusive et l’hébergement principal à Renaud. La mère se voit attribuer un hébergement secondaire, soit un week-end sur deux et la moitié des congés scolaires.

Mais rapidement, la décision du tribunal n’est pas appliquée. "Après être parti comme prévu chez sa maman au mois d’août, il n’est pas revenu chez moi au mois de septembre… Après trois ans de folie, avec une mère qui essaye tout le temps de manipuler l’enfant, un enfant qui est tiraillé, une justice très lente qui finira par me confier l’autorité exclusive, j’assiste impuissant à une situation qui part en cacahuète. Mon fils est complètement aliéné", soutient le Bruxellois.


"Beaucoup de justiciables et d’avocats utilisent ce terme à tort et à travers"

S’agit-il réellement d’aliénation parentale ? Difficile de répondre à cette question. Il faut d’abord savoir ce à quoi renvoie ce terme."C’est un terme complexe. Dans certaines séparations, un des parents gère mal ou souffre tellement qu’il utilise tous les moyens de l’aliénation et dénigre les capacités de l’autre parent sans raison objective", indique Pierre-André Hallet, président de l’union francophone des magistrats à la jeunesse. Le but, parfois inconscient, est de convaincre l’enfant que l’autre parent est un vrai monstre à rejeter.

Selon ce juge de la jeunesse, cette expression est rarement utilisée dans les tribunaux."Ce terme est d’ordre psychologique et non juridique. Beaucoup de justiciables et d’avocats l’utilisent à tort et à travers. Du coup, on s’en méfie. C’est un peu bateau", estime Pierre-André Hallet. "Si un psychologue l’utilise dans son rapport d’expertise, le juge peut le reprendre, mais c’est relativement rare", précise-t-il. Par contre, pour qu’un juge prononce une autorité parentale exclusive, il faut des "éléments costauds à l’égard de l’autre parent", souligne le magistrat.

Benoît Van Dieren, psychologue et spécialiste en séparations familiales, confirme que l’aliénation parentale est un syndrome controversé."Il fait toujours autant polémique qu’auparavant dans tous les milieux. Son usage inapproprié peut enflammer le conflit parental déjà existant", souligne cet expert. Dans un premier temps en tout cas, il préfère dès lors parler de "risque de rupture d’un lien parent-enfant"afin de pointer le problème sans accuser personne.


Aliénation et auto-aliénation

Pour Bruno Humbeeck, professeur en psychopédagogie à l’université de Mons-Hainaut, il convient de distinguer l’aliénation parentale de l’auto-aliénation parentale."La première situation, c’est quand un parent essaye d’accaparer l’enfant, en utilisant des loyautés invisibles ou des manières de se positionner de l’enfant, pour faire pression sur l’autre parent", explique-t-il.

"C’est beaucoup plus rare que l’auto-aliénation parentale qui, elle, vient de l’enfant. C’est la tendance qu’a l’enfant à tenir ou à se mettre du côté du parent qui à ses yeux souffre le plus et à rejeter la relation avec l’autre parent sans raison légitime."

En d’autres termes, parfois un adulte a l’impression que son enfant est manipulé alors que c’est l’enfant lui-même qui va se mettre dans une situation de conflit de loyauté, parce qu’il a l’impression qu’il doit tenir pour l’un ou pour l’autre. Tout cela crée beaucoup de tensions au niveau des relations conjugales.

"Les mécanismes que l’on retrouve souvent en situation d’aliénation parentale c’est ne plus utiliser le nom ou le prénom de son ex-conjoint mais l’appeler « l’autre » ou « la salope ». L’idée qu’il a aussi changé du tout au tout. Tout ça est fait et dit devant l’enfant qui est témoin d’une situation qui le concerne mais qui ne devrait pas l’impliquer", souligne Bruno Humbeeck."C’est comme si on demandait à un enfant d’être l’arbitre d’un match qu’il n’a pas voulu. C’est terriblement compliqué pour lui. Il doit être mis à l’écart de ce conflit qui génère inévitablement des tensions."


Pour avoir la paix et se mettre à l’abri ?

Après avoir échangé quelques messages via les réseaux sociaux, le fils de Renaud ne lui donne plus du tout de nouvelles. Une situation qui inquiète le Bruxellois.

Pour Bruno Humbeeck, l’adolescent peut effectivement souffrir de "relations toxiques"."Mais on peut aussi imaginer que cet enfant ne prend plus contact avec son père car il veut juste être à l’abri et avoir la paix. Il faudrait pouvoir aller plus finement dans le diagnostic. Il faudrait recentrer l’attention de tout le monde autour des émotions vécues par l’enfant", préconise-t-il. Ce professeur souligne qu’aujourd’hui la séparation et le divorce ne sont plus considérés comme quelque chose d’anormal puisque de nombreux enfants y sont confrontés."Le séisme produit est parfois beaucoup plus intense pour les parents qui vivent la situation de façon dramatique que pour les enfants qui peuvent s’adapter sereinement dans deux environnements familiaux différents."

De son côté, Benoît Van Dieren estime que même si les conseils à donner au parent qui se sent aliéné varient d’une personne à l’autre en fonction du contexte, il y a en tout cas une recommandation à respecter pour éviter d’envenimer la situation."Ne pas prononcer le terme d’aliénation parentale, toujours fermement rejeté par la personne concernée même s’il est fondé. Nous sommes ici dans un registre passionnel presque inaccessible à la raison. Cela passe un peu mieux si on utilise par exemple le terme d’emprise ou d’impact sur l’enfant, mais sans garantie de convaincre pour autant."

Pour Renaud, un triste constat s’impose: le temps qui passe détériore le lien entre père et fils. Mais il ne compte pas baisser les bras face à ce qu’il qualifie de "rapt parental". "J’ai déjà dépensé 18.000 euros en frais de justice mais je vais poursuivre les démarches judiciaires, même si je n’ai plus confiance."

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