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Un exemple de courage et d'abnégation: comment cette Dinantaise est-elle devenue championne du monde d'endurance en VTT?

Pour comprendre et apprécier la suite de cet article, il faut prendre le temps d’imaginer certaines choses. Imaginez donc que votre vie personnelle se retrouve bouleversée, du jour au lendemain, par un événement dramatique. Tout semble se compliquer. Certains broieraient du noir, tomberaient dans le négativisme permanent. Imaginez maintenant avoir un compagnon capable de vous transporter vers une nouvelle passion. A tel point que vous en oublierez vos douleurs passées. Vous avez cette image ? Alors, aucun doute, cette histoire devrait vous plaire.

Bienvenue dans la vie de Bieke Machielsen. Cette Dinantaise de 35 ans est une battante hors-normes. Le prouve son parcours de vie. A moins de 30 ans, cette dernière voyait ses perspectives d’avenir s’assombrir après un accident de la route, impactant sa vie privée et professionnelle. Le coup était énorme. C’est là qu’intervient le VTT. Oui, le VTT. Et un homme devenu son mari, Jonathan Havrenne.

"J’ai rencontré mon mari il y a 10 ans, il faisait déjà du VTT", raconte Bieke Machielsen. "Un jour, il m’a proposé de venir avec lui, et là j’y ai pris goût. On a commencé par des petites distances, puis on s’est lancé dans le 02 Bikers Marathon Challenge. C’était une vingtaine de courses de minimum 65 km. Et c’est comme ça, petit à petit, qu’on a commencé à faire des longues distances", poursuit-elle.

Déjà prometteuse, l'histoire va prendre un tournant décisif en 2017, après des années de préparation. Toujours aussi passionnée, Bieke Machielsen, à force d'entraînements et de ténacité, va devenir championne du monde d'endurance en VTT. Elle remporte en effet l'épreuve de 24h en solitaire, dans sa catégorie des 30-34 ans. Un an plus tard, elle passe juste à côté d'un doublé en terminant au second rang. Cette année, la Dinantaise a triomphé à l'échelle européenne, remportant l'épreuve de 24h après avoir parcouru 215 km, soit 14 tours d'un circuit balisé.

Un accomplissement titanesque, une passion qui pousse Bieke Machielsen à se dépasser au quotidien et qui démontre qu'un obstacle, aussi important soit-il, ne demande qu'à être surmonté.  

Une vie articulée autour du vélo

Le VTT a pris une place prépondérante dans la vie de Bieke Machielsen, mais aussi dans celle de son mari. Le couple passe énormément de temps sur les vélos, que ce soit en compétition ou pour de simples randonnées. "On peut dire que le VTT prend une grande place dans notre vie, oui", assume la Dinantaise."Il y a 2 ans, Jonathan a préféré me soutenir au maximum et a mis son vélo de côté. Mais il commence à reprendre et c'est vraiment génial de rouler ensemble dans des randonnées", nous confie-t-elle ensuite.

Sans emploi, Bieke Machielsen peut se focaliser à 100% sur sa passion. Un hobby prenant, lourd à assumer, qui occupe la plupart de son temps. Les aléas de la compétition. "Rien que pour le VTT, je dispute une course chaque week-end entre mars et septembre. Il y a aussi les courses à étapes qui prennent plusieurs jours d'affilée. Puis, de novembre à février, j'aime bien disputer quelques cyclocross". Une sorte de plein-temps qui permet à Bieke Machielsen d'atteindre un haut niveau de performance.

Mais cet amour pour le vélo ne doit pas devenir une contrainte. Les deux tourtereaux s'accordent donc des moments de pause entre les compétitions. "Le repos est super important", affirme Bieke haut et fort. "Pendant l'hiver, mon entraîneur me met en repos pendant deux semaines". C'est pendant cette période que le couple peut se retrouver. "Le VTT, c'est mon hobby, ma passion, mais elle ne passer jamais avant notre couple", clame cette passionnée. "On sais très bien faire des choses ensembles sans lien avec le VTT. Mais c'est une passion commune et cela fait partie de notre style de vie. Les weekends où il n'y a pas de compétition, on cherche une randonnée pour rouler ensemble, ou avec des amis, pour profiter de la nature... Le plaisir c'est le plus important. Le jour où je ne m'amuse plus sur le vélo, je le vends !", assure-t-elle.

Apprendre à gagner seule… mais en équipe

Remporter une course de 24 heures en solitaire demande une grosse organisation. Le plus compliqué à gérer ? L'alimentation. "Tout doit être équilibré : si tu manges trop sucré, ton estomac abandonne, si c’est trop salé aussi, si ce n’est pas assez consistant, tu manques d’énergie. Ici, pour la première fois, je n’ai eu aucun souci d’estomac. On commence à trouver le bon compromis pour que mon corps tienne pendant 24 heures", nous explique-t-elle.

Mais ce n'est pas tout. À côté de l'alimentation, un autre aspect important dans ces courses de 24 heures réside dans les périodes de récupération. "C’est au coureur de décider s’il s’arrête pour manger, pour dormir ou autre. Maintenant, si tu es en bonne position et que tu t’arrêtes longtemps, tu vas perdre ta place. Tout ça se joue au fur et à mesure, je suis incapable de dire à l’avance quand je vais m’arrêter. Je ne sais pas fixer d’horaire, ça varie selon le déroulement de la course", précise la Dinantaise. C'est là que la dimension collective apparaît. Il y a le coureur, sur le vélo, mais aussi son équipe. "Je préviens mon mari quand je passe devant lui, pour qu’il puisse préparer ce dont j’ai besoin d'ici la fin du tour. Par exemple, quand il prépare mes pâtes, il sait que ça ne doit pas être trop chaud pour que je puisse ne prendre que quelques bouchées, rapidement, avant de repartir. Ici, au Portugal, pendant la nuit, j’avais quelques tours d’avance. Là, j’ai pris un quart d’heure pour manger un peu plus tranquillement parce que j’avais le temps. Mais ce n’est pas toujours le cas".

Ton corps, physiquement, est peut-être capable de tenir 8 heures. A partir de là, c’est la tête qui joue, qui te motive

Imaginez-vous, de nuit, au bout de l'effort, après 8 heures passées sur votre vélo. Votre corps commence à montrer des signes de fatigue, mais il reste encore de nombreuses heures à tenir. Vous êtes arrivés à la limite de vos capacités physiques, le bon sens vous inciterait à l'abandon. C'est à ce moment-là que Bieke Machielsen se transforme. "Ton corps, physiquement, est peut-être capable de tenir 8 heures. A partir de là, c’est la tête qui joue, qui te motives. Il y a aussi les techniques de pédalage qui jouent un grand rôle", nous explique-t-elle.

Ces techniques de pédalage, elle les apprend aux côtés de son entraîneur, Gunter Willems. Un coach spécialisé dans l'endurance, qui l'accompagne chaque jour pour atteindre les sommets de sa discipline. Le programme, très bien ficelé, est digne d'une structure professionnelle. "Je m’entraîne 6 jours sur 7, avec chaque fois un entraînement spécifique, que ce soit de la vélocité, la force, l’endurance… je travailles tous les aspects possibles pour devenir le plus complet possible. C’est ce qu’il faut pour pouvoir tenir 24 heures", dit l'athlète dinantaise.

"Même s'ils me donnaient 1€, c'était bien"

Athlète à part entière, mais sans statut. Bieke Machielsen n'est pas considérée comme une professionnelle du VTT, ce que l'on appelle les élites. Certains pensent peut-être que cela ne change pas grand-chose, mais dans les faits, cela change tout. La conséquence la plus importante est financière. "Je fais partie d’une équipe, qui s’appuie sur ses partenaires. Mais cela ne concerne que certaines courses", nous explique Bieke. "Pour des compétitions comme le championnat d’Europe ou le championnat du monde, je dois tout payer moi-même parce que je m’inscris en solo".

Un véritable parcours du combattant, plus encore lorsque les courses sont organisées dans des pays étrangers et concernent une discipline catégorisée, dont les classements sont parfois illisibles et aux impacts médiatiques relativement restreints. Il faut donc y aller à l'audace pour décrocher des soutiens financiers pour combler les quelques 7.000 euros de frais que représente une course aussi loin de la Belgique. "J’ai d'abord demandé de l’aide à ma famille, à mes amis. Même s’ils ne donnaient que 1€, c’était déjà très bien, parce que chaque euro est utile. Nous ne sommes pas très connus, donc trouver des sponsors qui aident financièrement pour participer à ces compétitions, c’est vraiment difficile. D’autant que je roule dans ma catégorie d’âge, je ne suis pas une élite, une athlète de haut niveau. Et ça n’aide pas à convaincre les gens que ça vaut vraiment la peine et qu’on mérite un peu de support", regrette la coureuse. Une situation tellement compliquée que sa participation aux Mondiaux de cette année s'est avérée impossible. L'objectif est clair: tenter de décrocher le graal mondial en 2020, en remportant l'épreuve organisée en Australie. Si son budget le lui permet…

J’ai d'abord demandé de l’aide à ma famille, à mes amis. Même s’ils ne donnaient que 1€, c’était déjà très bien, parce que chaque euro est utile.

Une nouvelle fois, certains n'auraient pas besoin de plus pour renoncer. Bieke Machielsen, elle, n'abandonnera jamais. Devenir professionnelle fait partie de ses projets. "L’envie est là, mais je pense qu’il me faudra encore quelques années d’entraînements", nous précise-t-elle en souriant. "Il ne faut pas oublier que je ne fais du VTT que depuis 2013, comparée aux élites qui sont presque nés sur un vélo, ce qui leur donne un gros avantage. Mais quand je vois le résultat du championnat d’Europe, où je termine 4ème femme au général avec 3 élites devant et autant derrière moi, c’est motivant. J’ai envie d’évoluer un peu plus chaque année", continue-t-elle dans la foulée.

Freinée par une blessure au genou, la coureuse a dû mettre un terme à sa saison. Pour progresser, Bieke Machielsen va enchaîner les épreuves d'endurance en Belgique l'année prochaine, en plus de se concentrer sur certaines courses de 24 heures à l'étranger. Un programme qui occupe la majorité de son temps, y compris les weekends. Le résultat d'une passion qui se transforme en magnifique perspective d'avenir.

Retour sur son dernier accomplissement

Intéressons-nous pour finir au dernier accomplissement de la Dinantaise. Ce fameux titre européen, obtenu en septembre dernier au Portugal.

Une course dont les circonstances ont favorisé notre compatriote, qui, pour une fois, a trouvé un avantage à subir les frasques de la météo belge. "Malheureusement, ce weekend-là, il a plu tout le temps, donc le terrain était très boueux, très glissant aussi. Après, comme je viens de Belgique, j’ai l’habitude. Au final, ça a joué à mon avantage", nous a-t-elle expliqué sourire aux lèvres.

A tel point qu'elle a pu prendre l'avantage relativement tôt dans la course. "Après trois tours (soit environ 5h de course, ndlr), j’étais en deuxième position. Comme je suis habituée à ce genre de condition, j’ai su mieux gérer le vélo dans les descentes qui commencent à glisser. Là j’ai su dépasser la première et je ne l’ai plus jamais revue après. La météo m’a clairement aidé", explique Bieke.

Performante et motivée, la Belge va enchaîner les rondes au point de surprendre pas mal de monde au classement général, toutes catégories confondues. "A un moment, j’ai vu que j’étais troisième chez les femmes. Mais j’ai eu un problème. Mon cou s’est bloqué, j’ai été forcé de m’arrêter quelques minutes. Au final, je gagne ma catégorie et je finis 4ème femme au général. Si on prend tout le monde, je finis même 48ème sur 106. Ce qui est tout à fait positif", résume la Dinantaise.

Reste maintenant à réitérer l'exploit en 2020. Cette course figure dans son calendrier idéal, de même que le championnat du monde. Mais il lui faudra encore une fois courir derrière les sponsors pour, doucement mais sûrement, se rapprocher du sommet de la discipline. Un combat permanent, qu'elle mène depuis 6 ans. Avec la réussite et le mérite que l'on connaît aujourd'hui. Une fabuleuse histoire de vie !

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