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Cyclisme: licencié par l'UCI, l'ex-champion Frédéric Magné accusé de régner "par la terreur"

Frédéric Magné, multiple champion du monde sur piste et directeur du Centre mondial du cyclisme à Aigle (Suisse), a été licencié pour "perte de confiance", a-t-on appris lundi auprès de l'Union cycliste internationale, alors que le Français est accusé selon différents témoignages recueillis par l'AFP de harcèlement, d'abus de pouvoir et d'avoir "régné par la terreur".

"Sur la base d'informations reçues, l'UCI a considéré que le lien de confiance était rompu et M. Frédéric Magné a quitté ses fonctions de directeur du Centre mondial du cyclisme UCI", a indiqué à l'AFP un porte-parole de l'UCI. Son licenciement remonte à deux semaines.

Selon plusieurs témoignages concordants recueillis par l'AFP, M. Magné a été durant dix ans l'auteur de faits s'assimilant à du harcèlement moral systématique auprès des cyclistes stagiaires comme des employés, d'abus de pouvoir et d'abus de biens sociaux.

Ainsi, l'ancien champion, "violent et manipulateur", maintenait ses employés "sous pression par une forme de terreur", recherchant une soumission "sans limite" et les menaçant de représailles, ce qui explique la volonté des témoins de rester anonymes.

- Magné ne peut "rien dire" -

Joint au téléphone lundi par l'AFP, Frédéric Magné a indiqué qu'il ne pouvait "rien dire. Je ne peux faire aucun commentaire, je suis lié par une clause de confidentialité".

Son avocat, Mathieu Blanc, également joint par l'AFP, a "fermement contesté la matérialité des faits" évoqués dans les différents témoignages, ajoutant que ces accusations ont été "constituées par des personnes qui souhaitent attenter à la réputation" de son client.

Pour Me Blanc, la rupture du contrat de M. Magné par l'UCI fait suite "à des divergences de vue politiques et stratégiques".

Âgé de 50 ans, Frédéric Magné a été trois fois champion du monde de keirin et quatre fois champion de monde de tandem, associé à Fabrice Colas, dans les années 1980 et 1990.

Il dirigeait depuis 2009 le CMC, centre de formation et d'entraînement de haut niveau, placé sous le contrôle de l'UCI et qui accueille depuis 2002 des cyclistes du monde entier, dans trois disciplines olympiques: route, piste et BMX.

C'est à la suite de l'audition d'un employé dont il avait refusé de renouveler le contrat que l'UCI a obtenu des informations concordantes sur les abus et dérives du directeur du CMC.

Selon les témoignages, M. Magné exerçait des pressions continues et du chantage à l'emploi, allant même jusqu'à exiger et obtenir de certains employés des contreparties matérielles substantielles.

Tout puissant, secondé selon les mêmes méthodes par une numéro 2 devenue sa maîtresse, il obligeait les employés à nettoyer son garage personnel, tondre sa pelouse, laver son vélo ou sa voiture et accompagner ses enfants à l'école, pendant que les deux partaient faire une sortie à vélo ou d'autres activités sportives et ce, pendant leurs heures de travail.

Un employé en burn-out depuis plusieurs années a confié que sa "vie entière" a été affectée par le harcèlement qu'il a subi.

- "discrimination permanente" -

Quant aux sportifs dont il avait la charge, M. Magné exerçait sur eux "une forme de discrimination permanente".

Ainsi les cyclistes africains, victimes de racisme et rabaissés systématiquement, ne pouvaient-ils pas bénéficier du même équipement que les autres. Il les dénigrait constamment en leur disant de "rentrer en Afrique" et ne montrait aucun respect pour les musulmans et leurs exigences alimentaires. Sans préavis, sans aucune explication et selon une méthode pour le moins cruelle, M. Magné avait ainsi pris la décision sur un coup de tête de renvoyer dans leur pays tous les athlètes africains, sous prétexte qu'un Erythréen s'était enfui du CMC.

L'ancien pistard utilisait les mêmes méthodes avec des cyclistes sud-américains et s'était également rendu coupable de "harcèlement moral" envers de nombreux autres cyclistes, leur reprochant un poids excessif, ce qui conduirait à des comportements anorexiques.

Pour rester en place toutes ces années, il exerçait aussi un chantage sur les employés en les dissuadant de dénoncer les abus répétés subis et profitait également de la succession de différents présidents à la tête de l'UCI pour se présenter sous son meilleur jour.

L'ex-champion soignait également particulièrement ses relations avec des personnes puissantes et influentes. Il est ainsi soupçonné d'avoir offert, sur les fonds du CMC, des vélos sur mesure d'une valeur de plusieurs milliers d'euros "à des proches, des connaissances et des personnalités locales et internationales du milieu politique et sportif dont il était très proche et avec qui il roulait parfois", selon les mêmes sources.

Interrogée pour savoir si elle comptait entreprendre une action judiciaire, l'UCI a indiqué qu'elle ne ferait "pas de commentaires supplémentaires à ce stade".

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