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Ski alpin: Kitzbühel, un mythe au masculin

Absentes de Kitzbühel depuis près de 60 ans, les skieuses sont privées du défi et de l'exposition de la course la plus importante du monde, entre choix assumés et débats sur la dangerosité de la piste.

"J'aurais aimé avoir au moins une fois la chance de skier ici, je suis jalouse des hommes. La piste est tellement incroyable, comme l'ambiance qui l'entoure avec les fans".

Ces mots ont été prononcés en 2020 par celle qui est considérée comme la plus grande skieuse de l'histoire, l'Américaine Lindsey Vonn, qui avait demandé, en vain, pendant sa carrière de pouvoir se mesurer aux hommes.

Kitzbühel où sont organisés deux descentes vendredi et samedi, et un super-G dimanche, fait partie des nombreuses étapes de la Coupe du monde de ski alpin non mixtes (hommes et femmes ont le même nombre de courses), tout comme l'autre grand rendez-vous annuel à Wengen, annulé cette saison.

Le circuit féminin a également ses classiques, comme Cortina (Italie), mais elles ne pèsent pas lourd face à la démesure du "Hahnenkamm" (Crête de coq, surnom de la montagne et du week-end de compétition), ses plus de 500 journalistes, 90.000 spectateurs et 47 millions d'euros de chiffre d'affaires total revendiqués en temps normal...

Autant de renommée potentielle, dont sont privées les femmes depuis 1961, date de leur dernière course de haut-niveau dans la station autrichienne. Le tracé de la descente empruntait alors la terrible Streif mais commençait plus bas et évitait les parties les plus pentues.

- "Trop dangereux" -

Deux nouveaux essais avaient été envisagés en 1990 et 1998, annulés à cause de la météo.

D'un point de vue logistique, les organisateurs estiment impossible de rajouter des courses féminines au programme masculin déjà très dense. Ils confirment qu'aucune discussion n'est engagée avec la Fédération internationale de ski, même pour créer un deuxième week-end de compétition, réservé aux femmes.

Par ailleurs, question sensible dans le milieu plutôt conservateur du ski alpin, les femmes, les meilleures du monde dans leur domaine, sont-elle capables de disputer une descente sur la Streif, la piste la plus exigeante et la plus dangereuse du monde?

"Je ne comprends pas pourquoi on discute de ça", s'étonne la Suissesse Michelle Gisin, actuelle deuxième du classement général de la Coupe du monde.

"Il y a les hommes, les femmes, des physiques différents, c'est clair. +Skier+ Kitzbühel en descente, c'est trop dangereux, et si tu vas un peu plus doucement (que les hommes) tu es en arrière et c'est encore plus dangereux", ajoute celle qui a vu son frère Marc se blesser grièvement dans la station autrichienne en 2015.

- "Nous en sommes capables" -

"Personnellement j'adorerai concourir ici, assure la championne olympique tchèque de super-G Ester Ledecka à l'AFP. Ce serait extrêmement difficile, mais je suis sûre que nous en sommes capable."

Un élément du débat vient de la préparation de la piste, la plus glacée et dure possible, qui fait sa dangerosité.

"Même si je suis la championne olympique en descente, il y a des pistes qui sont faites pour les hommes, estime pour l'AFP l'Italienne Sofia Goggia, pourtant réputée tête brûlée. Cette descente fait subir de telles pressions, que les femmes n'y résisteraient pas, notamment dans la première partie, et cela vient de la préparation de la neige. Sur une neige normale, on pourrait sûrement le faire, mais il y aurait un sacré écart entre la première et le fond du classement."

La double championne du monde slovène Ilka Stuhec, qui souligne également la problématique de la préparation, pense qu'il manque aussi un peu de volonté des officiels pour mettre en valeur les deux sexes de façon égale.

"Aux Jeux olympiques de Sotchi en 2014, la dernière pente avant l'arrivée était très, très rapide, nous atteignions au moins les 140 km/h. Mais parce que cela aurait semblé trop extrême et dangereux, le radar n'avait pas été placé à cet endroit mais sur le plat, où l'on passait à 100 km/h. Je pense qu'on ne voulait pas montrer que les filles savent skier si vite. Nous sommes pourtant égaux..."

"Peut-être qu'un jour les filles skieront à Kitzbühel, mais ça m'étonnerait que je sois là pour voir ça!", estime Stuhec.

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