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JO-2020: Osaka brille dans un Japon où des métis sont encore victimes de préjugés

Emili Omuro a été emballée par la prestation de Naomi Osaka à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Tokyo, mais cette adolescente métisse japonaise estime que son pays doit faire davantage pour accepter les personnes issues de couples mixtes.

Vendredi soir, Naomi Osaka, 23 ans, de mère japonaise et père haïtien, quadruple lauréate de Grands chelem en tennis, a escaladé une réplique du Mont Fuji dans le Stade olympique de Tokyo pour allumer la vasque, temps fort de la cérémonie d'ouverture de ces Jeux assombris par la pandémie.

La Japonaise Osaka n'était pas la seule sportive issue d'un couple mixte à représenter le pays hôte. La star du basket-ball Rui Hachimura, de mère japonaise et de père béninois, était l'un des porte-drapeaux japonais.

Osaka et Hachimura sont adorés au Japon et peuvent se vanter d'avoir conclu des accords lucratifs de parrainage et de publicité pour tout, des nouilles aux cosmétiques. Mais de nombreux jeunes d'origines noire et japonaise doivent encore affronter des préjugés dans une société souvent conservatrice et largement homogène.

Née d'une mère japonaise et d'un père noir américain, Emili Omuro, 14 ans, dit avoir été régulièrement confrontée à la discrimination en grandissant dans une localité du nord de Tokyo.

"Il y a eu de nombreux moments difficiles", raconte-t-elle à l'AFP. "Les gens chuchotaient dans mon dos et se moquaient de moi dans les clubs ou quand je marchais dans la rue".

Cherchant à attirer l'attention sur ces brimades, Emili Omuro a posé sa candidature pour porter la flamme olympique dans le relais avant les Jeux. Elle espérait également mettre en lumière la diversité raciale croissante mais souvent négligée du Japon.

- "L'ignorance, pas la haine" -

Lorsque des mesures sanitaires ont entraîné des restrictions sur le relais de la flamme olympique, Emili Omuro a douté, mais a finalement décidé que sa participation était importante. "Nous devons créer une société où les gens peuvent se sentir à l'aise, même s'ils sont différents".

Le Canadien noir Kinota Braithwaite est directement conscient des effets de la discrimination sur les enfants issus de couples mixtes au Japon. Sa fille Mio, de mère japonaise, a subi des remarques racistes à l'école à Tokyo.

"Ca m'est arrivé quand j'étais enfant au Canada" et "ça m'a vraiment brisé le cœur" ici, confie-t-il à l'AFP. Cette année, il a publié un livre pour enfants intitulé "Mio The Beautiful" sur l'expérience de sa fille.

M. Braithwaite, lui-même enseignant, estime que la discrimination au Japon est largement due à "l'ignorance, pas à la haine". Il considère des sportifs comme Osaka et Hachimura comme des "modèles" pour ses deux enfants. "Pour les Japonais, ça leur ouvre aussi les yeux, ce qui est une bonne chose".

- La représentation "compte" -

Le Japon reste une société largement homogène. Une analyse de données gouvernementales par l'agence de presse Kyodo a révélé que seulement 20.000 des 1,02 million de bébés nés en 2014 avaient des parents japonais et non-japonais.

Et ce n'est que récemment que l'image des Japonais, issus de couples mixtes, a commencé à inclure ceux ayant une origine noire, explique Sayaka Osanami Torngren, professeure et spécialiste de questions migratoires et ethniques à l'Université de Malmö.

"Historiquement, les personnes mixtes ont toujours existé (au Japon), mais l'image des personnes mixtes a toujours été blanche ou caucasienne et japonaise", déclare Mme Torngren.

Aujourd'hui, davantage de personnes d'origine noire et japonaise ou asiatique mixte "parlent ouvertement de leurs expériences de discrimination ou de racisme".

En 2019, le sponsor de Naomi Osaka, Nissin Foods, a été au centre d'une controverse pour une publicité sous forme de dessin animé représentant la jeune femme à la peau claire, et un duo de comédiens japonais s'était excusé après avoir plaisanté sur le fait qu'elle était "trop brûlée par le soleil" et qu'elle avait besoin d'un "décolorant".

Hachimura a révélé plus tôt cette année qu'il reçoit des messages racistes "presque tous les jours".

"Il y a des gens qui disent qu'il n'y a pas de racisme au Japon", a écrit son frère Aren Hachimura en publiant un message haineux qu'il a reçu en ligne. "Je veux que les gens prêtent attention à la question du racisme".

Pour Mme Torngren, voir Hachimura et Osaka ainsi représenter le Japon est important. "Même si c'est peut-être symbolique, ça compte".

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