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Décryptage - Fausses alertes, fausses menaces: que risquent les faux alerteurs?

Les alertes à la bombe ou à la menace terroriste se multiplient ces derniers temps, sans que les autorités ne trouvent d'engin explosif par la suite. Ces fausses alertes peuvent avoir plus ou moins d'impact, mais elles causent toujours des nuisances. Sans parler des frais. Si pour certains, lancer ces alertes peut être un jeu, les sanctions auxquelles ils s'exposent n'ont rien d'amusant.

Encore deux alertes ont eu lieu cette semaine. La première, une menace terroriste, visait plusieurs écoles secondaires en Wallonie et à Bruxelles. La seconde, une alerte à la bombe, dans le quartier européen à Bruxelles. Heureusement, ces alertes se sont révélées être fausses et personne n'a été blessé, mais les conséquences ont été ressenties : deux écoles sont restées fermées et la Commission a été évacuée. 

Ces nouvelles fausses alertes s'ajoutent à une série d'anciennes, qui deviennent récurrentes. Pour les autorités, il n'est pas toujours facile de retrouver les auteurs de ces alertes, d'autant qu'ils se trouvent parfois à l'étranger. Cela prend parfois du temps, mais lorsqu'ils sont identifiés, les faux alerteurs s'exposent à des sanctions bien réelles. "On retrouve quand même pas mal d'auteurs", assure l'avocat pénaliste Pierre Chomé. 

Que risquent-ils ?

L'article 328 du code pénal est catégorique : toute personne qui diffuse de fausses informations de manière volontaire concernant l'existence d'un danger d'attentat risque une peine d'emprisonnement allant de trois mois à deux ans ainsi qu'une amende de 400 à 2400 euros. 

Ce point de la loi cible surtout les personnes qui envoient de fausses alertes, mais le code pénal n'oublie pas ceux qui profèrent des menaces, par exemple terroristes, et les punit plus fort encore. L’auteur d’une menace accompagnée d’ordres ou de conditions risque jusqu’à cinq ans de prison. 

Il faut souligner que ces sanctions peuvent être doublées si les personnes visées se trouvent en situation de vulnérabilité (personnes âgées, femmes enceintes, malades, infirmes, personnes déficientes physiques ou mentales).

Tant qu'à parler des conséquences de lancer de fausses alertes, sachez que les personnes qui envoient des substances inoffensives, mais qui peuvent parraitre dangereuses, s'exposent à des peines similaires que celles citées plus haut. Un exemple très concrès : une enveloppe contenant de la poudre blanche envoyée à une administration et qui se révèle être de la farine. 

Pas de profil type

Selon Pierre Chomé, les faux alerteurs ne sont pas définissables avec un profil type. "C'est multi-profil. Aussi bien des jeunes qui veulent faire une blague que des adultes qui trouvent par ce moyen une manière de manifester leur colère". Pour appuyer ses propos, l'avocat prend l'exemple des nombreuses menaces et alertes qui ont touché la communauté juive après le début de la guerre contre le Hamas dans la bande de Gaza.

Pour l'avocat, les réseaux sociaux et les médias peuvent être deux moteurs pour ces alerteurs. Le fait de voir ces informations relayées peut, selon Pierre Chomé, donner des idées à des personnes qui n'auraient pas forcément pensé à passer à l'acte. "Aussi à cause de la vantardise de certains sur les réseaux sociaux". 

Dans le cas d'alerteurs mineurs, ce sont les parents qui vont devoir assumer les frais, et ils peuvent être salés ! Mais des cas spécifiques peuvent s'appliquer, par exemple si le mineur est âgé de 16 à 18 ans et qu'il est coutumier de faits délictueux, il pourrait être conduit devant la justice pour adultes. 

Les techniques diffèrent afin d'identifier les auteurs, mais retrouver des personnes qui se cachent derrière des numéros masqués ou des mails anonymes fait partie des compétences des autorités. Cela peut prendre du temps, par exemple si une adresse mail est cachée, car il faut effectuer des demander à des sociétés basées à l'étranger, mais l'identification finit presque systématiquement par aboutir.

Il a dit avoir agi par jeu

Un cas interpellant mérite d'être mis en avant. Il se passe en France, en janvier 2024. Un jeune de 13 ans a été mis en examen pour avoir effectué de nombreuses fausses alertes à la bombe à travers toute la France. Il aurait déclaré aux enquêteurs avoir agi par "jeu". Parmi les fausses alertes qui lui sont reprochées : la gare de Rennes (10 janvier), les aéroports de Rennes et de Hyères-Toulon (31 décembre) et deux rédactions du quotidien régional Ouest-France (Laval et Rennes, fin décembre). 

À seulement 13 ans, l’adolescent utilisait un VPN (réseau privé virtuel) étranger pour masquer son adresse Internet et éviter d’être localisé, mais les policiers sont parvenus à l’identifier. 

Il y a plus longtemps, en 2019, en Belgique, un jeune homme a été condamné à verser 380.000 euros de dommages pour ses fausses alertes à la bombe qui avaient provoqué l'arrêt de nombreux trains.

Quelles réparations pour les personnes lésées ?

Dans le cadre de ces fausses alertes et menaces, "c’est la victime qui doit prouver et chiffrer l’ampleur de son dommage", précise notre expert. Dans certains cas comme des gares, des aéroports ou des lieux de forte fréquentation, la facture de dédommagement peut atteindre "plusieurs centaines de milliers d'euros". Une sacrée somme qui s'ajoute aux amendes prévues par la loi.  

D'autant que les personnes (physiques ou morales) lésées ne sont pas les seules à pouvoir demander réparation. Les forces de l'ordre peuvent exiger une compensation également. "Ils peuvent facturer les services exceptionnels comme des démineurs, la présence de chiens, les heures supplémentaires du personnel, s'il y en a eues, etc."

Au-delà de l'aspect financier, ces fausses alertes mobilisent les forces de l'ordre et les secours, parfois pendant des heures. Ce qui peut retarder certaines interventions auprès de ceux qui en ont vraiment besoin. 

Ces fausses alertes peuvent-elles être utiles ?

C'est la question que nous avons posée à Pierre Chomé. Pour l'avocat, on peut trouver une forme d'utilité à ces fausses alertes répétitives : "Ça maintient un certain niveau de sécurité. Parfois, on sait que l'alerte ou la menace n'est que très faible, mais on ne veut prendre aucun risque donc on procède à l'évacuation et on fouille. Il suffirait d'une fois..."

Le spécialiste en droit pénal pense également que les alertes peuvent avoir un autre effet : celui des dommages collatéraux utiles. "Prenons l'exemple d'une personne qui fait une alerte à la bombe sur un avion aux USA. Il y aura des enquêtes et, potentiellement, des individus qui sont fichés comme dangereux, mais n'avaient rien à voir avec cette alerte, peuvent être pris. Ce sont des dommages collatéraux, mais bénéfiques pour la protection de la société."

Il faut toutefois nuancer ce degré d'utilité et rappeler que "tout ce qui fait la pagaille dans nos pays, ça ravit les terroristes". 

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