Accueil Actu Décryptage RTL info

Décryptage - L'Orient Express: la folle histoire de l'invention d'un Belge qui a marqué l'histoire du chemin de fer

Ses fans étaient nombreux à l'attendre de pied ferme sur le quai de la gare de Mons. C'est un train légendaire qui est entré en gare : le Venise-Simplon-Orient-Express. Il n'est resté que quelques minutes, devant de très nombreux amateurs, avant de poursuivre sa route vers Venise. Pourquoi ce train est-il si apprécié?

Si toutes ces personnes admirent autant ce train luxueux, c'est peut-être grâce aux romans d'Agatha Christie, ou peut-être grâce à tout ce mythe qui l'entoure. "C'est un train iconique et mythique" , confirme Stéphane Disière, spécialiste en histoire ferroviaire à la SNCB.

Certains d'entre eux le savent sûrement, mais l'origine de l'Orient-Express… est belge. Georges Nagelmackers (1845-1905) est ingénieur civil, originaire de Liège. C'est au cours d'un voyage aux États-Unis qu'il découvre les "sleeping-cars", les wagons-lits des trains Pullman. "Ils sont un tout nouveau concept qui n'existe pas encore en Europe. Ce sont des trains de luxe, pratiquement des hôtels de luxe sur rails", raconte Stéphane Disière. Impressionné, Georges Nagelmackers décide de ramener le concept en Europe.

Les démarches sont compliquées, notamment par l'aspect technique et diplomatique du franchissement des frontières, mais surtout par la guerre franco-allemande de 1870. Et puis, sa famille, des riches industriels, lui coupent les vivres, car ils ne croient pas au projet.

Le sigle Wagons-Lits qu'on trouve sur les Orient Express, reprend les lions qui correspondent à ceux qu'on trouve sur les armes du roi des Belges

Mais en 1872, il fonde la Compagnie internationale des wagons-lits (CIWL) avec le soutien du Roi Léopold II. "C'est pour ça d'ailleurs, que le sigle Wagons-Lits qu'on trouve sur les Orient Express, reprend les lions qui correspondent à ceux qu'on trouve sur les armes du roi des Belges", note l'historien.

L'idée révolutionnaire est, d'une part, de créer des voitures-lits de luxueux compartiments privés, avec cabinet de toilette, voiture restaurant, fumoir et salon avec piano et surtout, des formalités douanières allégées.

Stéphane Disière explique : "À l'époque, le train devait s'arrêter à chacune des frontières pour le contrôle des passeports, puisque l'Europe n'existait pas, et même au-delà. Nagelmackers était parvenu à négocier avec chaque pays. Il y avait un responsable par voiture et par train qui reprenait tous les passeports des personnalités et qui s'occupait des procédures administratives aux frontières. Ça permettait aux gens et aux voyageurs de dormir".

Âge d'or puis lent déclin

Ses premiers wagons-lits sont finalement accrochés aux trains qui circulent entre Paris et Vienne, puis Paris et Berlin. Georges Nagelmackers crée, en 1882, le train de luxe "train éclair", qui relie Paris et Vienne. C'est un énorme succès, ce qui lui donne l'idée de le prolonger jusqu'à Constantinople (Istanbul aujourd'hui) : l'Orient-Express est né.

"Il fait une opération de presse où il invite des journalistes, des gens fameux, des artistes, etc… Pour faire le premier voyage inaugural entre Paris et Istanbul", ajoute Stéphane Disière.

On raconte que lors du premier voyage ouvert au public, Georges Nagelmackers, lui-même, a demandé aux voyageurs de porter, par précaution, une arme à feu, afin de protéger le train. L'histoire ne dit pas s'ils ont eu à les utiliser.

On est dans quelque chose de beaucoup plus épuré

Les wagons de ce train sont d'un chic jamais vu en Europe à l'époque, d'un style art nouveau. "On est dans quelque chose de beaucoup plus épuré, avec notamment un gaufrage au niveau du tissu et les fameux cristaux Lalique qui feront l'emblème de ces trains", décrit le spécialiste.

Ce train relie alors Paris à Istanbul et Bucarest, en passant par l'Allemagne.

L'Orient-Express roulera durant presque 100 ans, avec un ralentissement à cause de la Première Guerre mondiale, puis un âge d'or durant l'entre-deux-guerres. C'est durant cette période que de nombreuses nouvelles liaisons font leur apparition, notamment jusqu'à Athènes.

On a un transfert de la clientèle vers l'avion

Après la deuxième guerre mondiale, l'Orient Express vit son lent déclin. "On passe à une autre époque", justifie Stéphane Disière. "On a un transfert de la clientèle vers l'avion essentiellement ou, pour les distances plus courtes, la voiture qui prend le relais", continue-t-il. La division de l'Europe entre l'Est et l'Ouest a aussi sa part de responsabilité.

Le service quotidien Direct-Orient-Express, qui fait la liaison entre Paris et Istanbul cesse finalement le 20 mai 1977.

La renaissance de l'Orient Express

Pourtant, l'aventure des wagons de la CIWL n'est pas terminée. Le passage d'un train Orient-Express à Mons en est la preuve.

Le Venise-Simplon-Orient-Express, a été créé en 1982 par l'Américain James Sherwood. Ce train est aujourd'hui exploité par l'entreprise britannique Belmond, qui appartient à LVMH depuis 2018. Deux trains originaux ont été rachetés à la Compagnie internationale des wagons-lits, en 1977.

Il y a tout un public qui veut ressentir ces émotions du passé

"On exploite la dimension iconique et qui fait rêver de ce type de train. Il y a tout un public qui veut ressentir ces émotions du passé en reprenant justement ce train mythique", analyse Stéphane Disière.

Belmond propose aux voyageurs de rejoindre Paris, Vérone, Venise, Londres, Bruxelles ou même Istanbul à bord de ce train mythique et tout aussi luxueux, pour la modeste somme de minimum 5000 euros.

Un autre groupe également sur les rails

La Compagnie internationale des wagons-lits a été rachetée par le groupe Accor, avec la SNCF. Le groupe Accor souhaite donc relancer le mythe et a d'ailleurs racheté la totalité des droits sur le nom "Orient Express".

Elles ne sont pas d'époque, mais recréées dans le même esprit que celles d'autrefois

"Les Français ont récupéré certaines voitures qui étaient complètement vides, dont il ne restait plus que la caisse. Ils ont reconstitué dans des ateliers qui se trouvent à Clermont-Ferrand, toute une série de voitures qui, en quelque sorte, sont factices. Elles ne sont pas d'époque, mais recréées dans le même esprit que celles d'autrefois. D'autres sont des voitures complètement authentiques", explique notre spécialiste.

Accor compte bien faire circuler son train de luxe à travers l'Italie, composé de 12 cabines et de 18 suites, dès le printemps 2025. Le prix : 3.500 euros par personne dans une cabine de luxe et de 4.700 euros par personne dans une suite.

Un autre train, le Pullman Orient-Express, a été créé par le groupe hôtelier. Les sept voitures, rachetées en 2011 par la SNCF, ont aussi été restaurées. Ce train propose des dîners-voyages de luxe au départ de Paris.

En 2021, une exposition Orient-Express avait lieu au SNCB Train World, à Bruxelles. Celle-ci permettait aux visiteurs de rentrer dans deux voitures originales.

À lire aussi

Sélectionné pour vous