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Le journaliste inconnu, l'avocate tatouée, l'ex-sniper,...: l'Equateur traumatisé se choisit un nouveau président

Huit candidats se disputeront le vote des électeurs à la présidentielle anticipée de dimanche en Equateur, traumatisé par l'assassinat la semaine dernière de l'un des favoris du scrutin visant à trouver un remplaçant au président conservateur Guillermo Lasso.

Cette mort tragique a changé la donne, alors que la candidate de gauche, héritière proclamée de l'ex-président Rafael Correa (2007-2017) aujourd'hui en exil et condamné pour corruption, était jusque-là donnée favorite.

Le vainqueur gouvernera le pays jusqu'en mai 2025, date théorique de la fin de mandat du président Lasso qui a provoqué cette élection anticipée après avoir été menacé de destitution.

Zurita, le remplaçant au pied-levé

"Ils ont tué mon ami", a condamné sur les réseaux sociaux Christian Zurita, à l'annonce de l'assassinat du candidat centriste Fernando Villavicencio, tombé sous les balles de tueurs à gages colombiens alors qu'il achevait son meeting à Quito.

Rien n'indiquait alors que le journaliste d'investigation primé, âgé de 53 ans, prendrait la relève de son collègue et ami. M. Zurita a été désigné in extremis par le mouvement politique Construye pour remplacer M. Villavicencio.

Tous deux avaient écrit l'enquête qui a révélé l'affaire de corruption pour laquelle Correa a été condamné à huit ans de prison et forcé à l'exil.

"Je suis certain qu'il a été assassiné parce qu'il proposait de militariser les ports" de la côte Pacifique, par lesquels est exportée la cocaïne, a jugé M. Zurita, toujours vêtu d'un gilet pare-balles noir et surprotégé à chacune de ses apparitions publiques.

Cheveux bouclés en bataille, lunettes cerclées de noir et imposante montre dorée au poignet, il n'a de cesse de déclarer que le projet politique anti-corruption de son ami décédé est "intact", et qu'il l'appliquera entièrement s'il est élu.

"Christian Zurita est le seul qui peut remplacer mon fils Fernando", a assuré la mère du candidat assassiné.

Gonzalez, l'avocate correiste

Elle aime les tatouages, le cyclisme et le marathon. Avocate de 45 ans, Mme Gonzalez se présente avant tout comme le défenseur de l'héritage de gauche de Rafael Correa, dont elle ne cache pas vouloir faire l'un de ses "conseillers" en cas de victoire. 

Unique femme en lice pour ce scrutin, mère de deux enfants, Mme Gonzalez assure que le retour à l'emploi et aux fondamentaux de son mentor permettra de circonscrire la lutte contre l'insécurité du narcotrafic qui est en train de faire vaciller le pays. Sa priorité sera, si elle est élue, de lutter contre "la grave infiltration du trafic de drogue".

"Tout ce que nous avons fait en dix ans, ils nous l'ont détruit en deux heures", accuse-t-elle, en référence au virage à droite qu'a pris l'Equateur sous Lenin Moreno, successeur de Correa, puis Guillermo Lasso.

Mme Gonzalez arrivait en tête des intentions de vote jusqu'à l'assassinat du candidat Villavicencio, qui a terni l'image du camp Correa, pointé du doigt par la famille et les proches de la victime.

Topic, le sniper de la Légion

"Rambo", "mercenaire français", "Bukele équatorien"...: Jan Topic, ex-légionnaire français et entrepreneur à succès était jusque-là plutôt un outsider de l'élection. Il semble électoralement le principal bénéficiaire de la mort tragique de Villavicencio, les électeurs étant sensibles à son discours de fermeté contre les groupes criminels.

D'origine croate par son père et française par sa mère, ce solide gaillard de 40 ans, 1,80 m, barbu, tatoué et souriant, a cette particularité d'avoir été pendant cinq ans (2006 à 2011) membre de la Légion étrangère française, en particulier dans le régiment d'élite du 2e REP (Régiment étranger parachutiste) où il était tireur d'élite.

Sa biographie officielle mentionne des déploiements avec la Légion en Centrafrique, Djibouti, et Côte d'Ivoire notamment. Ainsi que de mystérieux passages durant la "guerre civile en Syrie", et en 2022 en Ukraine.

Jan Topic s'est depuis lors reconverti dans le business de la sécurité (gardiennage) et des télécommunications dans la ville portuaire de Guayaquil, épicentre des violences liées au narcotrafic.

Souvent comparé au président salvadorien Nayib Bukele pour son discours musclé, il assure être le seul candidat à avoir "le courage et la détermination d'agir" pour mettre au pas les organisations illégales.

Perez, l'indigène accordéoniste

L'avocat indigène Yaku Perez se présente pour la deuxième fois à un scrutin présidentiel, après avoir perdu à 30.000 voix près au second tour en 2021, conséquence de fraudes selon lui.

M. Perez, 54 ans, est né Carlos Ranulfo Perez, mais il a légalement changé de nom en 2017, pour Yaku Sacha Perez, qui signifie "Eau de la montagne" dans sa lange natale quechua.

Auteur de huit livres sur le droit et l'environnement, ce fils de paysans et écologiste convaincu raconte avoir grandi à la campagne "dans une pauvreté absolue".

Il a dû s'occuper de ses deux filles après le décès de leur mère, atteinte d'un cancer, il y a 13 ans. Il s'est ensuite remarié avec une journaliste franco-brésilienne.

Yaku Perez joue du saxophone et de l'accordéon, est athée, végétalien et pratique le yoga. Il estime que "le manque d'éducation, l'appauvrissement" conduisent le pays à devenir "un foyer de criminels".

Avec sa candidature sous la bannière de l'environnement, il défend également l'arrêt de l'exploitation pétrolière dans la réserve amazonienne de Yasuni, question en référendum le même jour que le scrutin de ce dimanche. 

"Ce sera un message au monde qu'en Equateur nous prenons soin de la vie (...)", a-t-il déclaré à l'AFP. Critique acerbe du Corréisme, Yaku

Perez affirme incarner une gauche éloignée de l'"autoritarisme".

Sonnenholzner, l'animateur radio 

D'origine allemande et libanaise, Otto Sonnenholzner a fait son entrée sur la scène politique nationale un peu par effraction, désigné vice-président fin 2018 par le Congrès après la démission de la co-lisitère du président Lenin Moreno (2017-2021). Il démissionne 19 mois plus tard, à l'issue de la pandémie.

Economiste, animateur de radio, cet entrepreneur de 40 ans résume son programme en une devise de trois mots: "paix, argent et progrès. "Je suis une personne pragmatique", explique-t-il à l'AFP.

Marié, père de trois enfants, il est fier de ses prouesses en athlétisme, basket-ball, volley-ball et football.

"Nous sommes dans une situation d'insécurité sans précédent", s'inquiète-t-il. Son plan consiste à renforcer la justice et les services de renseignement pour lutter contre le trafic de drogue et ses tentacules, dans l'objectif de "faire les poches" des narcotrafiquants.


 

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