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"Super Propulsion de Wallonie": Florian détourne le logo du SPW pour "faire de l'humour", le service public l'a attaqué en justice

Florian, un habitant de Courcelles (Hainaut), a voulu faire de l'humour en détournant le logo du SPW sur une voiture de grosse cylindrée. Le service public de Wallonie a réagi en demandant de retirer les autocollants de son véhicule, avant de l'attaquer en justice. Si un logo peut être détourné, certaines conditions doivent être respectées.

"Je voulais faire de l’humour, mais malheureusement les autorités n’ont pas vu les choses de la même manière". Attaqué en justice pour avoir détourné le logo du SPW, Florian ne s'attendait pas à cette réaction du Service Public de Wallonie.

Après avoir fait l'acquisition d'une voiture de grosse cylindrée, le Courcellois a ajouté des autocollants fantaisistes pour faire rire son entourage. 

"Systématiquement, quand j’allais voir les amis avec mon véhicule orange, on me disait 'Tiens voilà le SPW' à cause de cette couleur. Un jour, je me suis dit 'pourquoi ne pas mettre une déco SPW', on fera un petit clin d’œil aux copains avec une annotation fantaisiste. Il est noté Super Propulsion de Wallonie", raconte-t-il. 

"Le coup était bon car tout le monde en rigolait, c’était chouette. Je ne m’attendais par contre pas à recevoir une plainte du SPW. Cela n’avait pas été mal pris au départ. J’ai même une connaissance qui travaille au SPW et qui m’a dit que c’est génial. On est tombé des nues."

1.600 euros, c’est énorme

Mi-février, Florian a reçu une invitation officielle à comparaître devant le tribunal. "Le service public a expliqué sa démarche qui était de m’attaquer en justice pour l’utilisation d’un logo officiel sur un véhicule privé. 1.600 euros ont été réclamés, c’est énorme", regrette l'ingénieur motoriste. "On aurait pu partir sur un accord à l’amiable, m’envoyer un courrier, me dire que ce n’est pas bien d’utiliser un logo officiel sur un véhicule. Là, on ne me parle pas de recommandation ou de rappel. On parle d’un acte direct devant la justice. Je trouve que la réponse est disproportionnée quant à l’acte qui est déposé. On est dans un pays où l’humour est presque universel. Se retrouver dans cette situation, cela m’a déçu. Ils veulent faire régner l’ordre. Le problème est que mon véhicule a été bien visible sur les réseaux sociaux, et l’information est tombée dans leurs oreilles."

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Le Service public de Wallonie explique avoir porté plainte car il considère que "l’usurpation de son logo apposé et détourné sur une voiture de grosse cylindrée (de la même couleur par ailleurs que les véhicules du SPW Mobilité) pouvait porter atteinte à l’image de notre institution", a réagi Nicolas Yernaux, le porte-parole. 

"Une mise en demeure a été adressée par notre conseil au propriétaire pour lui demander de supprimer ce logo, mais il n’a jamais donné suite. La procédure en cessation et dommages et intérêts s’est donc poursuivie et a abouti à la condamnation évoquée. Dans le respect de la séparation des pouvoirs, nous avons pour règle de ne jamais commenter les décisions de justice. Le montant de 1.600 € correspond à l’indemnité de procédure qui serait mise à charge du tiers si le tribunal faisait droit à notre demande." 

Début mars, le SPW a finalement abandonné sa plainte car Florian a retiré le logo de sa voiture. Cette blague a quand même coûté 500 euros de frais de justice au Courcellois.

Jacques Englebert, avocat et professeur à l’ULB en droit des médias, indique que cette action, introduite par le SPD, vise à obliger Florian à cesser d’utiliser le logo "sur lequel il n’a pas de droit, avec en plus une demande de dommages et intérêts pour le préjudice qu’aurait subi le SPW. Je ne vois pas très bien où est le préjudice, mais c’est leur problème."

Peut-on détourner un logo comme on le souhaite ? 

"En général, celui qui a une marque considère que son logo est protégé et va voir d’un mauvais œil un tiers le contourner ou se l’approprier. Et en général, il va agir pour faire cesser cette pratique qu’il considère comme illicite, à condition qu’il puisse établir le droit qu’il a sur ce logo", explique Jacques Englebert.

"Celui à qui on va reprocher d’avoir contourné le logo, va pouvoir éventuellement invoquer sa liberté d’expression en disant 'Ok, vous avez votre logo, mais j’ai le droit de m’exprimer'. Tout dépendra de l’objet de son expression. Si c’est pour se moquer du SPW, cela me paraît un peu court pour justifier le contournement d’un logo." 

Un logo peut donc être détourné, mais certaines conditions doivent être rencontrées. L'objectif poursuivi va notamment être évalué.

"Si je suis votre concurrent et que je détourne votre logo pour m’approprier vos clients et pour créer la confusion, cela ne sera jamais accepté et je serai condamné en justice. Si je suis Greenpeace, que je veux dénoncer la politique nucléaire de la France, et que je fais un logo qui s’approprie le logo d’Areva, la société française de gestion des centrales, là, j’ai une justification en raison de l’objectif social de Greenpeace, de défense de la nature. Tout dépend la raison du détournement et le but poursuivi." 

Dans un tribunal, le juge évoquera ainsi le cadre de la liberté d’expression. "On peut toujours faire valoir la liberté d’expression. Elle sera admise et reconnue comme primant sur le droit des marques si vous traitez un sujet d’intérêt général de façon désintéressée et un sujet grave. Si vous traitez un sujet qui est une blague entre copains, vous êtes protégés par la liberté d’expression, mais le droit des marques primera, car c’est une protection plus importante." 

Détourner un logo, c'est assez fort

Jean-Claude Jouret, professeur de marketing à la Haute École ICHEC, évoque par ailleurs la valeur d'un logo pour les entreprises. 

"C’est une présence graphique et colorisée déposée par l’entreprise, de manière à pouvoir préserver son patrimoine, et surtout à être identifiée dans le cadre du marché par rapport à ses concurrents. En général, le logo est très distinctif des autres logos des entreprises, de manière à pouvoir sortir du lot. Les logos sont très connus. Ils servent d’identification", rappelle-t-il.

Détourner un logo peut avoir des objectifs très différents.

"Il y a la volonté de nuire, qui est généralement la plus attaquée par les entreprises. Il peut aussi y avoir la référence. Dans une manifestation, on peut utiliser le logo d’une marque modifié de manière à pouvoir comprendre le jeu de mots. C’est une utilisation tout à fait ponctuelle, et qui n’entre pas dans la volonté de nuire à l’entreprise", précise le professeur.

"Détourner un logo est assez fort car il est vite identifié. S’il y a un slogan, on le retient aussi. On pourrait imaginer le slogan d’une grande marque qui serait détourné par les agriculteurs disant 'Défendez les agriculteurs car je le veau bien'. Le vaut s’écrirait veau. Avec cet exemple, on resterait dans un cadre ponctuel et très peu délictueux. C’est une référence, sans la volonté de nuire." 

Détourner un logo marque l’opinion public. "On en voit très souvent sur les réseaux sociaux. Des idées sont parfois meilleures que d’autres. On récupère, par exemple, le logo d’un fast-food pour l’associer à un mal lié à la nutrition. Là, on est dans l’idée de vouloir marquer et de vouloir prendre le contre-pied de la marque. Ici, les marques réagissent et ne se laissent pas faire. Toutes les marques sont déposées et donc à ce titre, protégées. Cela marque les esprits car ces logos sont déjà connus et sont mis dans un contexte parfois totalement différent", conclut Jean-Claude Jouret.

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Commentaires

3 commentaires

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  • Vu le prix de la voiture, viens pas pleurer pour 1600€...

    Lionel Bartholome
     Répondre
  • Ici, en Belgique, ils sont très forts, lorsqu'il s'agit d'attaquer quelqu'un en justice, mais pour d'autres choses, ça, ce n'est pas du tout la même chose!!!

    Eddy PONDANT
     Répondre
  • Ce n'est pas très malin, et ce genre d'humour ne fait pas rire. quelle idée de "personnaliser" sa voiture ainsi. N'y avait-il pas une intention de faire passer ce véhicule pour un véhicule "officiel", aux yeux de ceux qui n'auraient pas tout lu , et ainsi d'éviter parfois de petites tracasseries, voire des contraventions ?

    roger rabbit
     Répondre